Les Regrets

Qui est ami du coeur est ami de la bourse,
Ce dira quelque honnête et hardi demandeur,
Qui de l’argent d’autrui libéral dépendeur
Lui-même à l’hôpital s’en va toute la course.

Mais songe là-dessus qu’il n’est si vive source
Qu’on ne puisse épuiser, ni si riche prêteur
Qui ne puisse à la fin devenir emprunteur,
Ayant affaire à gens qui n’ont point de ressource.
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Seigneur, ne pensez pas d’ouïr chanter ici
Les louanges du roi, ni la gloire de Guise,
Ni celle que se sont les Châtillons acquise,
Ni ce temple sacré au grand Montmorency.

N’y penser voir encor le sévère sourcil
De Madame Sagesse, ou la brave entreprise
Qui au ciel, aux démons, aux étoiles s’est prise,
La fortune, la mort, et la justice aussi,
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Tu ne me vois jamais, Pierre, que tu ne die
Que j’étudie trop, que je fasse l’amour,
Et que d’avoir toujours ces livres à l’entour
Rend les yeux éblouis et la tête alourdie.

Mais tu ne l’entends pas: car cette maladie
Ne me vient du trop lire ou du trop long séjour,
Ains de voir le bureau, qui se tient chacun jour:
C’est, Pierre mon ami, le livre où j’étudie.
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Nous ne faisons la cour aux filles de Mémoire,
Comme vous qui vivez libres de passion:
Si vous ne savez donc notre occupation,
Ces dix vers en suivant vous la feront notoire:

Suivre son cardinal au Pape, au Consistoire,
En Capelle, en Visite, en Congrégation,
Et pour l’honneur d’un prince ou d’une nation
De quelque ambassadeur accompagner la gloire:

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Ne pense, Robertet, que cette Rome-ci
Soit cette Rome-là qui te soulait tant plaire.
On n’y fait plus crédit, comme l’on soulait faire,
On n’y fait plus l’amour, comme on soulait aussi.

La paix et le bon temps ne règnent plus ici,
La musique et le bal sont contraints de s’y taire,
L’air y est corrompu, Mars y est ordinaire,
Ordinaire la faim, la peine, et le souci.

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Veux-tu savoir, Duthier, quelle chose c’est Rome?
Rome est de tout le monde un publique échafaud;
Une scène, un théâtre, auquel rien ne défaut
De ce qui peut tomber ès actions de l’homme.

Ici se voit le jeu de la fortune, et comme
Sa main nous fait tourner ores bas, ores haut:
Ici chacun se montre, et ne peut, tant soit caut,
Faire que tel qu’il est, le peuple ne le nomme.
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Il fait bon voir, Paschal, un conclave serré,
Et l’une chambre à l’autre également voisine
D’antichambre servir, de salle et de cuisine,
En un petit recoin de dix pieds en carré:

Il fait bon voir autour le palais emmuré,
Et briguer là-dedans cette troupe divine,
L’un par ambition, l’autre par bonne mine,
Et par dépit de l’un être l’autre adoré:
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Si je monte au Palais, je n’y trouve qu’orgueil,
Que vice déguisé, qu’une cérémonie,
Qu’un bruit de tambourins, qu’une étrange harmonie,
Et de rouges habits un superbe appareil:

Si je descends en banque, un amas et recueil
De nouvelles je trouve, une usure infinie,
De riches Florentins une troupe bannie,
Et de pauvres Siennois un lamentable deuil:
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Je n’écris point d’amour, n’étant point amoureux,
Je n’écris de beauté, n’ayant belle maîtresse,
Je n’écris de douceur, n’éprouvant que rudesse,
Je n’écris de plaisir, me trouvant douloureux:

Je n’écris de bonheur, me trouvant malheureux
Je n’écris de faveur, ne voyant ma princesse,
Je n’écris de trésors, n’ayant point de richesse,
Je n’écris de santé, me sentant langoureux:

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Je ne te conterai de Bologne et Venise,
De Padoue et Ferrare et de Milan encor,
De Naples, de Florence, et lesquelles sont or
Meilleures pour la guerre ou pour la marchandise.

Je te raconterai du siège de l’Eglise,
Qui fait d’oisiveté son plus riche trésor,
Et qui dessous l’orgueil de trois couronnes d’or
Couve l’ambition, la haine et la feintise:

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