Les Regrets

O qu’heureux est celui qui peut passer son âge
Entre pareils à soi! et qui sans fiction,
Sans crainte, sans envie et sans ambition,
Règne paisiblement en son pauvre ménage!

Le misérable soin d’acquérir davantage
Ne tyrannise point sa libre affection,
Et son plus grand désir, désir sans passion,
Ne s’étend plus avant que son propre héritage.
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C’était ores, c’était qu’à moi je devais vivre,
Sans vouloir être plus que cela que je suis,
Et qu’heureux je devais de ce peu que je puis
Vivre content du bien de la plume et du livre.

Mais il n’a plu aux dieux me permettre de suivre
Ma jeune liberté, ni faire que depuis
Je vécusse aussi franc de travaux et d’ennuis,
Comme d’ambition j’étais franc et délivre.
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Depuis que j’ai laissé mon naturel séjour
Pour venir où le Tibre aux flots tortus ondoie,
Le ciel a vu trois fois par son oblique voie
Recommencer son cours la grand lampe du jour.

Mais j’ai si grand désir de me voir de retour
Que ces trois ans me sont plus qu’un siège de Troie,
Tant me tarde, Morel, que Paris je revoie,
Et tant le ciel pour moi fait lentement son tour.
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La nef qui longuement a voyagé, Dillier,
Dedans le sein du port à la fin on la serre:
Et le boeuf, qui longtemps a renversé la terre,
Le bouvier à la fin lui ôte le collier:

Le vieux cheval se voit à la fin délier,
Pour ne perdre l’haleine ou quelque honte acquerre:
Et pour se reposer du travail de la guerre,
Se retire à la fin le vieillard chevalier:
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Comme le marinier, que le cruel orage
A longtemps agité dessus la haute mer,
Ayant finalement à force de ramer
Garanti son vaisseau du danger du naufrage,

Regarde sur le port, sans plus craindre la rage
Des vagues ni des vents, les ondes écumer:
Et quelqu’autre bien loin, au danger d’abîmer,
En vain tendre les mains vers le front du rivage:
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Que ferai-je, Morel? Dis-moi, si tu l’entends,
Ferai-je encore ici plus longue demeurance,
Ou si j’irai revoir les campagnes de France,
Quand les neiges fondront au soleil du printemps?

Si je demeure ici, hélas, je perds mon temps
A me repaître en vain d’une longue espérance:
Et si je veux ailleurs fonder mon assurance,
Je fraude mon labeur du loyer que j’attends.
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Je me ferai savant en la philosophie,
En la mathématique et médecine aussi:
Je me ferai légiste, et d’un plus haut souci
Apprendrai les secrets de la théologie:

Du luth et du pinceau j’ébatterai ma vie,
De l’escrime et du bal. Je discourais ainsi,
Et me vantais en moi d’apprendre tout ceci,
Quand je changeai la France au séjour d’Italie.
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Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme celui-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge!

Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m’est une province, et beaucoup davantage?
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Sous un ciel inconnu, et quiconques endure
D’aller de port en port cherchant son aventure,
Et peut vivre étranger dessous un autre jour:

Qui peut mettre en oubli de ses parents l’amour,
L’amour de sa maîtresse, et l’amour que nature
Nous fait porter au lieu de notre nourriture,
Et voyage toujours sans penser au retour:
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Qui ne sort jamais hors, sinon aux jours de fête,
Et craignant plus le jour qu’une sauvage bête,
Se fait en sa maison lui-même prisonnier.

Mais je ne puis aimer un vieillard voyager,
Qui court deçà delà, et jamais ne s’arrête,
Ains des pieds moins léger que léger de la tête,
Ne séjourne jamais non plus qu’un messager.
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