Je songe aux ciels marins, à leurs couchants si doux,
A l’ écumante horreur d’ une mer démontée,
Au pêcheur dans sa barque, aux crabes dans leurs trous,
A Néère aux yeux bleus, à Glaucus, à Protée.
Je songe au vagabond supputant son chemin,
Au vieillard sur le seuil de la cabane ancienne,
Au bûcheron courbé, sa cognée à la main,
A la ville, à ses bruits, à mon âme, à sa peine.
A l’ écumante horreur d’ une mer démontée,
Au pêcheur dans sa barque, aux crabes dans leurs trous,
A Néère aux yeux bleus, à Glaucus, à Protée.
Je songe au vagabond supputant son chemin,
Au vieillard sur le seuil de la cabane ancienne,
Au bûcheron courbé, sa cognée à la main,
A la ville, à ses bruits, à mon âme, à sa peine.
Les Stances Livre 1
Jean Moréas
Paris, je te ressemble : un instant le soleil
Brille dans ton ciel bleu, puis soudain c’est la brume ;
Au veuf septentrion si tu te fais pareil,
Tu passes les pays que le zéphyr parfume.
Triste jusqu’à la mort, en même temps joyeux,
Tout m’est concours heureux et sinistre présage ;
Sans cause l’allégresse a pleuré dans mes yeux,
Et le sombre destin sourit sur mon visage.
Brille dans ton ciel bleu, puis soudain c’est la brume ;
Au veuf septentrion si tu te fais pareil,
Tu passes les pays que le zéphyr parfume.
Triste jusqu’à la mort, en même temps joyeux,
Tout m’est concours heureux et sinistre présage ;
Sans cause l’allégresse a pleuré dans mes yeux,
Et le sombre destin sourit sur mon visage.
Les Stances Livre 1
Jean Moréas
Ce que ma fantaisie a ce soir entrepris
Ressemble à quelque essaim aux vibrantes antennes.
Bien que la lune manque à ce ciel de Paris,
La merveille du monde après celui d’ Athènes.
Muse, que sur mon front tu te viennes pencher
En me montrant tes yeux qui sont mon plus doux charme
Je saisirai la lyre à l’ instar de l’ archer
Qui marche sur les morts tout en bandant son arme.
Ressemble à quelque essaim aux vibrantes antennes.
Bien que la lune manque à ce ciel de Paris,
La merveille du monde après celui d’ Athènes.
Muse, que sur mon front tu te viennes pencher
En me montrant tes yeux qui sont mon plus doux charme
Je saisirai la lyre à l’ instar de l’ archer
Qui marche sur les morts tout en bandant son arme.
Les Stances Livre 1
Jean Moréas
Rompant soudain le deuil de ces jours pluvieux,
Sur les grands marronniers qui perdent leur couronne,
Sur l’ eau, sur le tardif parterre et dans mes yeux
Tu verses ta douceur, pâle soleil d’ automne.
Soleil, que nous veux-tu ? Laisse tomber la fleur !
Que la feuille pourrisse et que le vent l’ emporte !
Laisse l’ eau s’ assombrir, laisse-moi ma douleur
Qui nourrit ma pensée et me fait l’ âme forte.
Sur les grands marronniers qui perdent leur couronne,
Sur l’ eau, sur le tardif parterre et dans mes yeux
Tu verses ta douceur, pâle soleil d’ automne.
Soleil, que nous veux-tu ? Laisse tomber la fleur !
Que la feuille pourrisse et que le vent l’ emporte !
Laisse l’ eau s’ assombrir, laisse-moi ma douleur
Qui nourrit ma pensée et me fait l’ âme forte.
Les Stances Livre 1
Jean Moréas
Les morts m’ écoutent seuls, j’ habite les tombeaux ;
Jusqu’ au bout je serai l’ ennemi de moi-même.
Ma gloire est aux ingrats, mon grain est aux corbeaux ;
Sans récolter jamais je laboure et je sème.
Je ne me plaindrai pas : qu’ importe l’ aquilon,
L’ opprobe et le mépris, la face de l’ injure !
Puisque quand je te touche, ô lyre d’ Apollon,
Tu sonnes chaque fois plus savante et plus pure ?
Jusqu’ au bout je serai l’ ennemi de moi-même.
Ma gloire est aux ingrats, mon grain est aux corbeaux ;
Sans récolter jamais je laboure et je sème.
Je ne me plaindrai pas : qu’ importe l’ aquilon,
L’ opprobe et le mépris, la face de l’ injure !
Puisque quand je te touche, ô lyre d’ Apollon,
Tu sonnes chaque fois plus savante et plus pure ?
Les Stances Livre 1
Jean Moréas
Ne dites pas : la vie est un joyeux festin ;
Ou c’ est d’ un esprit sot ou c’ est d’ une âme basse.
Surtout ne dites point : elle est malheur sans fin ;
C’ est d’ un mauvais courage et qui trop tôt se lasse.
Riez comme au printemps s’ agitent les rameaux,
Pleurez comme la bise ou le flot sur la grève,
Goûtez tous les plaisirs et souffrez tous les maux ;
Et dites : c’ est beaucoup et c’ est l’ ombre d’ un rêve.
Ou c’ est d’ un esprit sot ou c’ est d’ une âme basse.
Surtout ne dites point : elle est malheur sans fin ;
C’ est d’ un mauvais courage et qui trop tôt se lasse.
Riez comme au printemps s’ agitent les rameaux,
Pleurez comme la bise ou le flot sur la grève,
Goûtez tous les plaisirs et souffrez tous les maux ;
Et dites : c’ est beaucoup et c’ est l’ ombre d’ un rêve.
Les Stances Livre 1
Jean Moréas
J’ ai choisi cette rose au fond d’ un vieux panier
Que portait par la rue une marchande rousse ;
Ses pétales sont beaux du premier au dernier,
Sa pourpre vigoureuse en même temps est douce
Vraiment d’ une autre rose elle diffère moins
Que la lanterne fait d’ une vessie enflée :
A ne s’ y pas tromper qu’ un sot mette ses soins,
Mais la perfection est chose plus celée.
Que portait par la rue une marchande rousse ;
Ses pétales sont beaux du premier au dernier,
Sa pourpre vigoureuse en même temps est douce
Vraiment d’ une autre rose elle diffère moins
Que la lanterne fait d’ une vessie enflée :
A ne s’ y pas tromper qu’ un sot mette ses soins,
Mais la perfection est chose plus celée.
Les Stances Livre 1
Jean Moréas
Calliope, Erato, filles de Jupiter,
Je vous invoque ici sur la harpe sonore ;
Je le faisais enfant, et bientôt mon hiver
Passera mon automne et mon printemps encore
Quelle bizarre Parque au coeur capricieux
Veut que le sort me flatte au moment qu’ il me brave ?
Les maux les plus ingrats me sont présents des dieux,
Je trouve dans ma cendre un goût de miel suave.
Je vous invoque ici sur la harpe sonore ;
Je le faisais enfant, et bientôt mon hiver
Passera mon automne et mon printemps encore
Quelle bizarre Parque au coeur capricieux
Veut que le sort me flatte au moment qu’ il me brave ?
Les maux les plus ingrats me sont présents des dieux,
Je trouve dans ma cendre un goût de miel suave.
Les Stances Livre 1
Jean Moréas
Les roses que j’ aimais s’ effeuillent chaque jour ;
Toute saison n’ est pas aux blondes pousses neuves ;
Le zéphyr a soufflé trop longtemps ; c’ est le tour
Du cruel aquilon qui condense les fleuves.
Vous faut-il, allégresse, enfler ainsi la voix,
Et ne savez-vous point que c’ est grande folie,
Quand vous venez sans cause agacer sous mes doigts
Une corde vouée à la mélancolie ?
Toute saison n’ est pas aux blondes pousses neuves ;
Le zéphyr a soufflé trop longtemps ; c’ est le tour
Du cruel aquilon qui condense les fleuves.
Vous faut-il, allégresse, enfler ainsi la voix,
Et ne savez-vous point que c’ est grande folie,
Quand vous venez sans cause agacer sous mes doigts
Une corde vouée à la mélancolie ?
Les Stances Livre 1
Jean Moréas
O mon esprit en feu, que vous me décevez !
Comment de pauvres yeux sauraient-ils vous atteindre ?
J’ ai vu ces sables blancs et ces rochers crevés,
Retraite désirée : ils ne sont point à peindre.
Mais qu’ il se trouve ailleurs un ciel aérien
Où des caps sourcilleux lèvent un front superbe,
Quoi ! Mon esprit, pour vous le plus rare n’ est rien :
C’ est la même beauté que vous mangez en herbe.
Comment de pauvres yeux sauraient-ils vous atteindre ?
J’ ai vu ces sables blancs et ces rochers crevés,
Retraite désirée : ils ne sont point à peindre.
Mais qu’ il se trouve ailleurs un ciel aérien
Où des caps sourcilleux lèvent un front superbe,
Quoi ! Mon esprit, pour vous le plus rare n’ est rien :
C’ est la même beauté que vous mangez en herbe.
Les Stances Livre 1
Jean Moréas