Céphise, fier torrent, j' ai l' âme encore heureuse Du jour que j' ai revu tes bords pleins de clarté ; Tu gardes dans ton lit la grâce sinueuse De ton onde tarie aux rayons de l' été.
O ciel aérien inondé de lumière, Des golfes de là-bas cercle brillant et pur, Immobile fumée au toit de la chaumière, Noirs cyprès découpés sur un rideau d' azur ;
Les branches en arceaux quand le printemps va naître, Les ronces sur le mur, le pâturage herbeux, Les sentiers de mulets, et cet homme champêtre Qui, pour fendre le sol, guide un couple de boeufs,
Quand pourrai-je, quittant tous les soins inutiles Et le vulgaire ennui de l' affreuse cité, Me reconnaître enfin, dans les bois, frais asiles, Et sur les calmes bords d' un lac plein de clarté !
Chênes mystérieux, forêt de la Grésigne, Qui remplissez le gouffre et la crête des monts, J' ai vu vos clairs rameaux sous la brise bénigne Balancer doucement le ciel et ses rayons.
Ce n'est pas vers l'azur que mon esprit s'envole : Je pense à toi, plateau hanté des chevriers. Aux pétales vermeils, à la blanche corolle, Je préfère le deuil de tes genévriers.
Je viens de mal parler de toi, rose superbe ! Si ton éclat est vif, rose, tu sais pourtant, Seule dans le cristal, au milieu de la gerbe, Aussi bien que les yeux rendre le coeur content.
Toi qui prends en pitié le deuil de la nature Et qui laisses tes soeurs flatter l' éclat du jour, Fille du sombre hiver, que tu sois la parure Ou de la pâle mort ou du brillant amour,
Il est doux d' écouter le roseau qui soupire Avec d' autres roseaux dans un riant vallon : Un front pensif se courbe à ces accords que tire Des chênes assemblés le rapide aquilon.
Au temps de ma jeunesse, harmonieuse lyre, Comme l'eau sous les fleurs, ainsi chantait ta voix ; Et maintenant, hélas ! C'est un sombre délire : Tes cordes en vibrant ensanglantent mes doigts.