O mer immense, mer aux rumeurs monotones, Tu berças doucement mes rêves printaniers ; O mer immense, mer perfide aux mariniers, Sois clémente aux douleurs sages de mes automnes.
Mon cœur, mon cœur fut la lanterne Eclairant le lupanar terne ; Mon cœur, mon cœur, fut un rosier, Rosier poussé sur le fumier.
J' ai trouvé jusqu' au fond des cavernes alpines L' antique ennui niché, Et j' ai meurtri mon coeur pantelant, aux épines De l' éternel péché. O sagesse clémente, ô déesse aux yeux calmes, Viens visiter mon sein, Que je m' endorme un peu dans la fraîcheur des palmes, Loin du désir malsain.
Feux libertins flambant dans l' auberge fatale Où se vautre l' impénitence des dégoûts, Où mon âme a brûlé sa robe de vestale, Eteignez-vous !
Que l' on jette ces lis, ces roses éclatantes, Que l' on fasse cesser les flûtes et les chants Qui viennent raviver les luxures flottantes A l' horizon vermeil de mes désirs couchants. Oh ! Ne me soufflez plus le musc de votre haleine, Oh ! Ne me fixez pas de vos yeux fulgurants,…
Lorsque sous la rafale et dans la brume dense, Autour d' un frêle esquif sans voile et sans rameurs, On a senti monter les flots pleins de rumeurs Et subi des ressacs l' étourdissante danse,
Les bras qui se nouent en caresses pâmées, Le cordial bu du baiser animal, Les cheveux qu' on tord, les haleines humées, Des nerfs énervés apaisent-ils le mal ? O nos visions les toujours affamées !
Ai-je sucé les sucs d' innommés magistères ? Quel succube au pied bot m' a-t-il donc envoûté ? Oh ! Ne l' être plus, oh ! Ne l' avoir pas été ! Suc maléfique, ô magistères délétères !
Les roses jaunes ceignent les troncs Des grands platanes, dans le jardin Où c' est comme un tintement soudain D' eau qui s' égoutte en les bassins ronds.
J' allumai la clarté mortuaire des lustres Au fond de la crypte où se révulse ton oeil, Et mon rêve cueillit les fleuraisons palustres Pour ennoblir ta chair de pâleur et de deuil.