Tenez, lecteur ! – souvent, tout seul, je me promène Au lieu qui fut jadis la barrière du Maine. C’est laid, surtout depuis le siège de Paris. On a planté d’affreux arbustes rabougris Sur ces longs boulevards où naguère des ormes De deux cents ans croisaient leurs ramures énormes. Le mur d’octroi n’est plus ;…
J’écris ces vers, ainsi qu’on fait des cigarettes, Pour moi, pour le plaisir ; et ce sont des fleurettes Que peut-être il valait bien mieux ne pas cueillir ; Car cette impression qui m’a fait tressaillir,
Comme le champ de foire est désert, la baraque N’est pas ouverte, et sur son perchoir, le macaque Cligne ses yeux méchants et grignote une noix Entre la grosse caisse et le chapeau chinois ; Et deux bons paysans sont là, bouche béante,
Hier, sur la grand’route où j’ai passé près d’eux, Les jeunes sourds-muets s’en allaient deux par deux, Sérieux, se montrant leurs mains toujours actives. Un instant j’observai leurs mines attentives Et j’écoutai le bruit que faisaient leurs souliers.
L’allée est droite et longue, et sur le ciel d’hiver Se dressent hardiment les grands arbres de fer, Vieux ormes dépouillés dont le sommet se touche. Tout au bout, le soleil, large et rouge, se couche. À l’horizon il va plonger dans un moment.
Près du rail, où souvent passe comme un éclair Le convoi furieux et son cheval de fer, Tranquille, l’aiguilleur vit dans sa maisonnette. Par la fenêtre, on voit l’intérieur honnête,
En plein soleil, le long du chemin de halage, Quatre percherons blancs, vigoureux attelage, Tirent péniblement, en butant du sabot, Le lourd bateau qui fend l’onde de l’étambot ;
Le printemps est charmant dans le Jardin des Plantes. Les cris des animaux, les odeurs violentes Des arbres et des fleurs exotiques dans l’air, Cette création, sous un ciel pur et clair, Tout cela fait penser au paradis terrestre ;
De même que Rousseau jadis fondait en pleurs À ces seuls mots : « Voilà de la pervenche en fleurs, » Je sais tout le plaisir qu’un souvenir peut faire. Un rien, l’heure qu’il est, l’état de l’atmosphère,
Malgré ses soixante ans, le joyeux invalide Sur sa jambe de bois est encore solide. Quand il touche l’argent de sa croix, un beau soir, Il s’en va, son repas serré dans un mouchoir, Et, vers le Champ de Mars, entraîne à la barrière,