Si cette douce enfant devait t’être ravie,
Et si ce coeur en qui tout le tien se confie
Ne pouvait pas pour toi frémir et s’animer ?
N’importe ! ses yeux seuls ont su faire germer
Dans mon âme si lasse et de tout assouvie
L’amour qui rajeunit, console et purifie,
Et je devrais encor la bénir et l’aimer.
Heureux ou malheureux, je lui serai fidèle ;
J’aimerai ma douleur, puisqu’elle viendra d’elle
Qui chassa de mon sein la honte et le remord.
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Qui s’épanouit sous l’azur,
Pourquoi suis-je alors plus morose ?
Quand vous me montrez une rose,
C’est que je pense à son front pur.
Quand vous me montrez une étoile,
Pourquoi les pleurs, comme un brouillard,
Sur mes yeux jettent-ils leur voile ?
Quand vous me montrez une étoile,
C’est que je pense à son regard.
Et moi, vous ai-je vue en effet davantage ?
En un moment mon coeur s’est donné sans partage.
Ne pouvez-vous ainsi m’aimer à votre tour ?
Pour monter d’un coup d’aile au sommet de la tour,
Pour emplir de clartés l’horizon noir d’orage,
Et pour nous enchanter de son puissant mirage,
Quel temps faut-il à l’aigle, à l’éclair, à l’amour ? r
Je vous ai vue à peine, et vous m’êtes ravie !
Mais à vous mériter je consacre ma vie
– Hélas ! ma mignonne est partie ! –
Et dans la nature je sens
Une secrète sympathie.
Je sens que les nids querelleurs
Par égard pour moi se contraignent,
Que je fais de la peine aux fleurs
Et que les étoiles me plaignent.
La fauvette semble en effet
De son chant joyeux avoir honte,
Et l’espoir ne m’est plus permis ;
Mais je défends qu’on me console.
Ne me plaignez pas, mes amis.
J’aime ma peine intérieure
Et l’accepte d’un coeur soumis.
Ma part est encor la meilleure,
Puisque mon amour m’est resté ;
Ne me plaignez pas si j’en pleure.
A votre lampe, aux soirs d’été,
Elle m’apparaît, svelte et la tête petite,
Avec ses blonds cheveux coupés courts sur le front.
Trouverai-je jamais des mots qui la peindront,
La chère vision que malgré moi j’ai fuie ?
Qu’est auprès de son teint la rose après la pluie ?
Peut-on comparer même au chant du bengali
Son exotique accent, si clair et si joli ?
Est-il une grenade entr’ouverte qui rende
L’incarnat de sa bouche adorablement grande ?
Qu’un jour j’ai rencontrée aux bords du bleu Léman,
Cygne pur émigré de ton climat de neige !
Je t’ai vue et je t’aime ainsi qu’en un roman,
Je t’aime et suis heureux comme si quelque fée
Venait de me toucher avec un talisman.
Quand tu parus, naïve et d’or vivant coiffée,
J’ai senti qu’un espoir sublime et surhumain
Soudain m’enveloppait de sa chaude bouffée.
Voyageur, je devais partir le lendemain ;
Je regarde au ciel avec mon désir,
Car si, dans le temps qu’une étoile file,
On forme un souhait, il doit s’accomplir.
Enfant, mes souhaits sont toujours les mêmes :
Quand un astre tombe, alors, plein d’émoi,
Je fais de grands voeux afin que tu m’aimes
Et qu’en ton exil tu penses à moi.
A cette chimère, hélas ! je veux croire,
N’ayant que cela pour me consoler.
Passant rêveur, j’ai souvent observé
Les croix de bois et les tombeaux de pierre
Attendant là qu’un nom y fût gravé.
Tu m’es ravie, enfant, et la nuit tombe
Dans ma pauvre âme où l’espoir s’amoindrit ;
Mais sur mon coeur, comme sur une tombe,
C’est pour toujours que ton nom est écrit.
L’exilée
François Coppée
Tout tremblant d’amour, j’osai m’approcher,
Il tombait alors des flocons de neige.
Comme un martinet revole au clocher,
Quand je la revis, plein d’ardeurs plus fortes,
Il tombait alors des fleurs de pêcher.
Ah ! je te maudis, exil qui l’emportes
Et me veux du coeur l’espoir arracher !
Il ne tombe plus que des feuilles mortes.
L’exilée
François Coppée