Au clos de notre amour, l'été se continue : Un paon d'or, là-bas, traverse une avenue ; Des pétales pavoisent – Perles, émeraudes, turquoises – L'uniforme sommeil des gazons verts
Asseyons-nous tous deux près du chemin, Sur le vieux banc rongé de moisissures, Et que je laisse, entre tes deux mains sûres, Longtemps s'abandonner ma main.
Ardeur des sens, ardeur des coeurs… Ardeur des sens, ardeur des coeurs, ardeur des âmes, Vains mots créés par ceux qui diminuent l'amour ; Soleil, tu ne distingues pas d'entre tes flammes Celles du soir, de l'aube ou du midi des jours.
Regarde, avec les yeux de ses carreaux éteints,
Tomber très lentement, en ce jour de Toussaint,
Les feuillages fanés des frênes et des aunes.
Elle songe et resonge à ceux qui sont ailleurs,
Et qui, de père en fils, longuement s’éreintèrent,
Du pied bêchant le sol, des mains fouillant la terre,
A secouer la plaine à grands coups de labeur.
Puis elle songe encor qu’elle est finie et seule,
Et que ses murs épais et lourds, mais crevassés,
Un pont, un chemin de halage,
Et le moulin qui fait sa croix
De haut en bas, sur le village.
Les appentis et les maisons
S’échouent, ainsi que choses mortes.
Le filet dort : et les poissons
Sèchent, pendus au seuil des portes.
Un chien sursaute en longs abois ;
Des cris passent, lourds et funèbres ;
Dans les dunes de Flandre et les vents de la mer.
Une lampe de cuivre éclaire un coin de chambre ;
Et c’est le soir, et c’est la nuit, et c’est novembre.
Dès quatre heures, on a fermé les lourds volets ;
Le mur est quadrillé par l’ombre des filets.
Autour du foyer pauvre et sous le plafond, rôde
L’odeur du goémon, de l’algue et de l’iode.
Le père, après deux jours de lutte avec le flot
Est revenu du large, et repose, là-haut ;
Dites de quel grand plan de gloire,
Vers la vie humble et dérisoire,
Toutes, vous voilà descendues.
Vous ne comprenez plus vos hauts beffrois en deuil,
Ni ce que disent aux nuées
Tant de pierres destituées
De leur ancien et bel orgueil,
Vos carrefours, vos grand’places et votre port,
Tout est muet et léthargique ;
Avec un Christ au carrefour ;
Et l’Escaut gris et puis la tour
Qui se mire, parmi les eaux bourrues ;
Et le quartier du Dam, misérable et lépreux,
Jeté comme au hasard vers les prairies ;
Et près du cimetière aux buis nombreux,
La chapelle vouée à la Vierge Marie,
Par un marin qui s’en revint
On ne sait quand
… Ces souvenirs chauffent mon sang
Et pénètrent mes moelles…
Je me souviens du village près de l’Escaut,
D’où l’on voyait les grands bateaux
Passer, ainsi qu’un rêve empanaché de vent
Et merveilleux de voiles,
Le soir, en cortège, sous les étoiles.
Je me souviens de la bonne saison ;
Des parlottes, l’été, au seuil de la maison
Sont des morceaux de paradis qui se souviennent
D’avoir fleuri si blancs, aux premiers temps du monde.
Les yeux qui voient croient voir une aile aérienne
Parmi les lointains purs doucement remuée,
Les éventer du fond du ciel, sous les nuées.
Le vent, qui chante et rit, murmure une louange
A l’herbe ardente et drue et caresse les haies ;
Et les arbres sont beaux comme des manteaux d’anges.
Et les oiseaux nichant parmi les pommeraies