Lorsque la vie est belle ainsi qu’une conquête,
Le bon travail prend place à mes côtés,
Comme un ami qu’on fête.
Il vient des pays doux et rayonnants,
Avec des mots plus clairs que les rosées,
Pour y sentir, en les illuminant,
Nos sentiments et nos pensées.
Il saisit l’être en un tourbillon fou ;
Il érige l’esprit, sur de géants pilastres ;
Qui partirent, folles d’espace,
S’en reviennent mornes et lasses
Des horizons ensanglantés.
A coups de rames monotones,
Elles s’avancent sur les eaux ;
On les prendrait pour des berceaux
Où dormiraient des fleurs d’automne.
Tiges de lys au beau front d’or,
Toutes vous gisez abattues ;
Ont mis leur sceau sur ton visage,
Et, sous le vent morne et rugueux de l’âge,
Bien des roses, parmi tes traits, se sont fanées.
Je ne vois plus ta bouche et tes grands yeux
Luire comme un matin de fête,
Ni, lentement, se reposer ta tête
Dans le jardin massif et noir de tes cheveux.
Tes mains chères qui demeurent si douces
Ne viennent plus comme autrefois,
Le clair jardin c'est la santé. Il la prodigue, en sa clarté, Au va-et-vient de ses milliers de mains, De palmes et de feuilles,
L'ombre est lustrale et l'aurore irisée. De la branche, d'où s'envole là-haut L'oiseau, Tombent des gouttes de rosée.
L'immobile beauté Des soirs d'été, Sur les gazons où ils s'éploient, Nous offre le symbole Sans geste vain, ni sans parole, Du repos dans la joie.
L'aube, l'ombre, le soir, l'espace et les étoiles ; Ce que la nuit recèle ou montre entre ses voiles, Se mêle à la ferveur de notre être exalté. Ceux qui vivent d'amour vivent d'éternité.
L'âge est venu, pas à pas, jour à jour, Poser ses mains sur le front nu de notre amour Et, de ses yeux moins vifs, l'a regardé.
Je t'apporte, ce soir, comme offrande, ma joie D'avoir plongé mon corps dans l'or et dans la soie Du vent joyeux et franc et du soleil superbe ; Mes pieds sont clairs d'avoir marché parmi les herbes, Mes mains douces d'avoir touché le coeur des fleurs,
Je suis sorti des bosquets du sommeil, Morose un peu de t'avoir délaissée Sous leurs branches et leurs ombres tressées, Loin du joyeux et matinal soleil.