Que sans doute les fleurs, qui se penchaient vers nous,
Soudain nous ont aimés et que l’une d’entre elles,
Pour nous toucher tous deux, tomba sur nos genoux.
Vous me parliez des temps prochains où nos années,
Comme des fruits trop mûrs, se laisseraient cueillir ;
Comment éclaterait le glas des destinées,
Comment on s’aimerait, en se sentant vieillir.
Votre voix m’enlaçait comme une chère étreinte,
Et votre coeur brûlait si tranquillement beau
Que notre ardeur claire et belle vainc l’habitude,
Mégère à lourde voix, dont les lentes mains rudes
Usent l’amour le plus tenace et le plus fort.
Je te regarde, et tous les jours je te découvre,
Tant est intime ou ta douceur ou ta fierté :
Le temps, certe, obscurcit les yeux de ta beauté,
Mais exalte ton coeur dont le fond d’or s’entr’ouvre.
Tu te laisses naïvement approfondir,
Et ton âme, toujours, paraît fraîche et nouvelle ;
Berce ma tête entre tes bras,
Mon front fiévreux et mes yeux las ;
Très doucement, plus doucement encore.
Baise mes lèvres, et dis-moi
Ces mots plus doux à chaque aurore,
Quand me les dit ta voix,
Et que tu t’es donnée, et que je t’aime encore
Le joug surgit maussade et lourd ; la nuit
Fut de gros rêves traversée ;
Sous la douce et fragile lumière,
Herbes frêles, rameaux tendres, roses trémières,
Et l’ombre qui les frôle et le vent qui les noue,
Et les chantants et sautillants oiseaux
Qui follement s’essaiment,
Comme des grappes de joyaux
Dans le soleil,
Tout ce qui vit au beau jardin vermeil,
Ingénument, nous aime ;
Et la splendeur du paysage,
Les étangs purs luisent toujours dans le gazon,
Avec les grands yeux d’eau de leur mouvant visage.
Dites de quels lointains profonds et inconnus
Tant de nouveaux oiseaux sont-ils venus,
Avec du soleil sur leurs ailes ?
Juillet a remplacé Avril dans le jardin
Et les tons bleus par les grands tons incarnadins,
L’espace est chaud et le vent frêle ;
Avec vos coeurs de soleil transpercés ;
Roses violentes et tranquilles, et telles
Qu’un vol léger d’oiseaux sur les branches posés ;
Roses de Juin et de Juillet, droites et neuves,
Bouches, baisers qui tout à coup s’émeuvent
Ou s’apaisent, au va-et-vient du vent,
Caresse d’ombre et d’or, sur le jardin mouvant ;
Roses d’ardeur muette et de volonté douce,
Roses de volupté en vos gaines de mousse,
Sinon là-bas, vers le milieu
De l’étang clair et radieux,
Pareils à des langues de feu,
Des poissons rouges.
Ce sont nos souvenirs jouant en nos pensées
Calmes et apaisées
Et lucides – comme cette eau
De confiance et de repos.
Et l’eau s’éclaire et les poissons sautillent
Lorsque la vie est belle ainsi qu’une conquête,
Le bon travail prend place à mes côtés,
Comme un ami qu’on fête.
Il vient des pays doux et rayonnants,
Avec des mots plus clairs que les rosées,
Pour y sentir, en les illuminant,
Nos sentiments et nos pensées.
Il saisit l’être en un tourbillon fou ;
Il érige l’esprit, sur de géants pilastres ;
Qui partirent, folles d’espace,
S’en reviennent mornes et lasses
Des horizons ensanglantés.
A coups de rames monotones,
Elles s’avancent sur les eaux ;
On les prendrait pour des berceaux
Où dormiraient des fleurs d’automne.
Tiges de lys au beau front d’or,
Toutes vous gisez abattues ;
Ont mis leur sceau sur ton visage,
Et, sous le vent morne et rugueux de l’âge,
Bien des roses, parmi tes traits, se sont fanées.
Je ne vois plus ta bouche et tes grands yeux
Luire comme un matin de fête,
Ni, lentement, se reposer ta tête
Dans le jardin massif et noir de tes cheveux.
Tes mains chères qui demeurent si douces
Ne viennent plus comme autrefois,