Dans la planète des Bergers ;
Tu descendais à pas légers
Du seuil d’un château de porphyre.
Et ton oeil de diamant rare
Éblouissant le règne astral.
Femme, depuis, par mont ou val,
Femme, beau marbre de Carrare,
Ta voix me hante en sons chargés
De mystère et fait mon martyre,
Car toujours je te vois sourire
Dans la planète des Bergers.
Les amours d’élite
Emile Nelligan
En Éden blanc un ange la pose.
Elle sommeille emmi les pervenches,
Comme en une chapelle aux dimanches.
Ses cheveux sont couleur de la cendre,
Son cercueil, on vient de le descendre.
Et ses beaux yeux verts que la mort fausse
Feront un clair de lune en sa fosse.
Les amours d’élite
Emile Nelligan
Où l’heure au coeur sonne vingt ans,
Larivarite et la la ri ;
Voici que j’ai touché l’époque
Où l’on est las d’habits en loque,
Au gentil sieur il faudra ça
Ça
La la ri
Jeunes filles de bel humour,
Donnez-nous le mai de l’amour,
Hier s’en vint chanter un robin dans les branches ;
Et j’ai saisi vos mains, j’ai saisi vos mains blanches,
Et je vous ai parlé d’amour comme autrefois.
Mais vous êtes restée insensible à ma voix,
Muette au jeune aveu des affections franches ;
Quand soudain, vous levant, courant dans les pervenches,
Émue, et m’appelant, vous m’avez crié : « Vois ! »
Voici qu’était tombé du frissonnant feuillage
L’oiseau sentimental, frappé dans son jeune âge,
Des lames des cheveux aux lames du ciseau,
Pour que j’y puisse humer un peu de chant d’oiseau,
Un peu de soir d’amour né de vos yeux de perle ?
Au bosquet de mon coeur, en des trilles de merle,
Votre âme a fait chanter sa flûte du roseau.
Reine, acquiescez-vous qu’une boucle déferle
Des lames des cheveux aux lames du ciseau ?
Fleur soyeuse aux parfums de rose, lis ou berle,
Je vous la remettrai, secrète comme un sceau,
Des pastels de jardins de roses en glaçons.
Le froid pique de vif et relègue aux maisons
Milady, canaris et les jockos bélîtres.
Mais la petite Miss en berline s’en va,
Dans son vitchoura blanc, une ombre de fourrures,
Bravant l’intempérie et les âcres froidures,
Et plus d’un, à la voir cheminer, la rêva.
Ses deux chevaux sont blancs et sa voiture aussi,
Menés de front par un cockney, flegme sur siège.
Parfois j'ai le désir d'une soeur bonne et tendre, D'une soeur angélique au sourire discret : Soeur qui m'enseignera doucement le secret De prier comme il faut, d'espérer et d'attendre.
Ses mâts touchaient l’azur, sur des mers inconnues ;
La Cyprine d’amour, cheveux épars, chairs nues,
S’étalaient à sa proue, au soleil excessif.
Mais il vint une nuit frapper le grand écueil
Dans l’Océan trompeur où chantait la Sirène,
Et le naufrage horrible inclina sa carène
Aux profondeurs du Gouffre, immuable cercueil.
Ce fut un Vaisseau d’Or, dont les flancs diaphanes
Révélaient des trésors que les marins profanes,
Du fond de quelque crypte aux vagues profondeurs.
Elle a l’éclat parfois des subtiles verdeurs
D’un golfe où le soleil abaisse ses antennes.
En un jardin sonore, au soupir des fontaines,
Elle a vécu dans les soirs doux, dans les odeurs ;
Ma pensée est couleur de lumières lointaines,
Du fond de quelque crypte aux vagues profondeurs.
Elle court à jamais les blanches prétentaines,
Au pays angélique où montent ses ardeurs,
D’une neige de février…
Ah ! retournons au seuil de l’Enfance en allée,
Viens-t-en prier…
Ma chère, joins tes doigts et pleure et rêve et prie,
Comme tu faisais autrefois
Lorsqu’en ma chambre, aux soirs, vers la Vierge fleurie
Montait ta voix.
Ah ! la fatalité d’être une âme candide
En ce monde menteur, flétri, blasé, pervers,