Les amours d’élite

Certes, il ne faut avoir qu’un amour en ce monde,
Un amour, rien qu’un seul, tout fantasque soit-il ;
Et moi qui le recherche ainsi, noble et subtil,
Voici qu’il m’est à l’âme une entaille profonde.

Elle est hautaine et belle, et moi timide et laid :
Je ne puis l’approcher qu’en des vapeurs de rêve.
Malheureux ! Plus je vais, et plus elle s’élève
Et dédaigne mon coeur pour un oeil qui lui plaît.

Voyez comme, pourtant, notre sort est étrange !
Si nous eussions tous deux fait de figure échange,

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La chapelle ancienne est fermée,
Et je refoule à pas discrets
Les dalles sonnant les regrets
De toute une ère parfumée.

Et je t’évoque, ô bien-aimée !
Épris de mystiques attraits :
La chapelle assume les traits
De ton âme qu’elle a humée.

Ton corps fleurit dans l’autel seul,
Et la nef triste est le linceul

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Je rêve de marcher comme un conquistador,
Haussant mon labarum triomphal de victoire,
Plein de fierté farouche et de valeur notoire,
Vers des assauts de ville aux tours de bronze et d’or.

Comme un royal oiseau, vautour, aigle ou condor,
Je rêve de planer au divin territoire,
De brûler au soleil mes deux ailes de gloire
À vouloir dérober le céleste Trésor.

Je ne suis hospodar, ni grand oiseau de proie ;
À peine si je puis dans mon coeur qui guerroie

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Je sais en une église un vitrail merveilleux
Où quelque artiste illustre, inspiré des archanges,
A peint d’une façon mystique, en robe à franges,
Le front nimbé d’un astre, une Sainte aux yeux bleus.

Le soir, l’esprit hanté de rêves nébuleux
Et du céleste écho de récitals étranges,
Je m’en viens la prier sous les lueurs oranges
De la lune qui luit entre ses blonds cheveux.

Telle sur le vitrail de mon coeur je t’ai peinte,
Ma romanesque aimée, ô pâle et blonde sainte,

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Je t’ai vue un soir me sourire
Dans la planète des Bergers ;
Tu descendais à pas légers
Du seuil d’un château de porphyre.

Et ton oeil de diamant rare
Éblouissant le règne astral.
Femme, depuis, par mont ou val,
Femme, beau marbre de Carrare,

Ta voix me hante en sons chargés
De mystère et fait mon martyre,
Car toujours je te vois sourire
Dans la planète des Bergers.

 

Les amours d’élite

Emile Nelligan

Ah ! la belle morte, elle repose…
En Éden blanc un ange la pose.

Elle sommeille emmi les pervenches,
Comme en une chapelle aux dimanches.

Ses cheveux sont couleur de la cendre,
Son cercueil, on vient de le descendre.

Et ses beaux yeux verts que la mort fausse
Feront un clair de lune en sa fosse.

 

Les amours d’élite

Emile Nelligan

Voici que verdit le printemps
Où l’heure au coeur sonne vingt ans,
Larivarite et la la ri ;
Voici que j’ai touché l’époque
Où l’on est las d’habits en loque,
Au gentil sieur il faudra ça

Ça
La la ri
Jeunes filles de bel humour,
Donnez-nous le mai de l’amour,

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Pendant que nous lisions Werther au fond des bois,
Hier s’en vint chanter un robin dans les branches ;
Et j’ai saisi vos mains, j’ai saisi vos mains blanches,
Et je vous ai parlé d’amour comme autrefois.

Mais vous êtes restée insensible à ma voix,
Muette au jeune aveu des affections franches ;
Quand soudain, vous levant, courant dans les pervenches,
Émue, et m’appelant, vous m’avez crié : « Vois ! »

Voici qu’était tombé du frissonnant feuillage
L’oiseau sentimental, frappé dans son jeune âge,

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Reine, acquiescez-vous qu’une boucle déferle
Des lames des cheveux aux lames du ciseau,
Pour que j’y puisse humer un peu de chant d’oiseau,
Un peu de soir d’amour né de vos yeux de perle ?

Au bosquet de mon coeur, en des trilles de merle,
Votre âme a fait chanter sa flûte du roseau.
Reine, acquiescez-vous qu’une boucle déferle
Des lames des cheveux aux lames du ciseau ?

Fleur soyeuse aux parfums de rose, lis ou berle,
Je vous la remettrai, secrète comme un sceau,

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L’hiver, de son pinceau givré, barbouille aux vitres
Des pastels de jardins de roses en glaçons.
Le froid pique de vif et relègue aux maisons
Milady, canaris et les jockos bélîtres.

Mais la petite Miss en berline s’en va,
Dans son vitchoura blanc, une ombre de fourrures,
Bravant l’intempérie et les âcres froidures,
Et plus d’un, à la voir cheminer, la rêva.

Ses deux chevaux sont blancs et sa voiture aussi,
Menés de front par un cockney, flegme sur siège.

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