Le Cor
I
J’aime le son du Cor, le soir, au fond des bois,
Soit qu’il chante les pleurs de la biche aux abois,
Ou l’adieu du chasseur que l’écho faible accueille,
Et que le vent du nord porte de feuille en feuille.
Que de fois, seul, dans l’ombre à minuit demeuré,
J’ai souri de l’entendre, et plus souvent pleuré !
Car je croyais ouïr de ces bruits prophétiques
Qui précédaient la mort des Paladins antiques.
La Frégate La Sérieuse ou La Plainte du capitaine
I
Qu’elle était belle, ma Frégate,
Lorsqu’elle voguait dans le vent !
Elle avait, au soleil levant,
Toutes les couleurs de l’agate;
Ses voiles luisaient le matin
Comme des ballons de satin;
Sa quille mince, longue et plate,
Portait deux bandes d’écarlate
À M. Antony Deschamps.
” Le 24 du mesme mois s’exploita l’execution tant souhaitée, qui deliura la chrestienté d’un nombre de pestes, au moyen desquelles le diable se faisoit fort de la destruire, attendu que deux ou trois qui en reschapperent font encore autant de mal. Ce jour apporta merveilleux allegement et soulas à l’Eglise. ”
La vraye et entiere histoire des troubles,
par Le Frère, de Laval.
I
” Arquebusiers ! Chargez ma couleuvrine
Les lansquenets passent ! Sur leur poitrine
Une Esclave d’Egypte, au teint luisant et noir,
Lui présente, à genoux, l’acier pur du miroir;
Pour nouer ses cheveux, une Vierge de Grèce
Dans le compas d’Isis unit leur double tresse;
Sa tunique est livrée aux Femmes de Milet,
Et ses pieds sont lavés dans un vase de lait.
Dans l’ovale d’un marbre aux veines purpurines
L’eau rose la reçoit; puis les Filles latines,
Sur ses bras indolents versant de doux parfums,
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Dolorida
Est-ce la Volupté qui, pour ses doux mystères,
Furtive, a rallumé ces lampes solitaires ?
La gaze et le cristal sont leur pâle prison.
Aux souffles purs d’un soir de l’ardente saison
S’ouvre sur le balcon la moresque fenêtre;
Une aurore imprévue à minuit semble naître,
Quand la lune apparaît, quand ses gerbes d’argent
Font pâlir les lueurs du feu rose et changeant;
Les deux clartés à l’oeil offrent partout leurs pièges,
Le Bal
La harpe tremble encore et la flûte soupire,
Car la Walse bondit dans son sphérique empire
Des couples passagers éblouissent les yeux,
Volent entrelacés en cercle gracieux,
Suspendent des repos balancés en mesure,
Aux reflets d’une glace admirent leur parure,
Repartent; puis, troublés par leur groupe riant
Dans leurs tours moins adroits se heurtent en criant.
La danseuse, enivrée aux transports de la fête,
Sème et foule en passant les bouquets de sa tête,
La Prison
” Oh ! ne vous jouez plus d’un vieillard et d’un prêtre !
” Étranger dans ces lieux, comment les reconnaître ?
” Depuis une heure au moins, cet importun bandeau
” Presse mes yeux souffrants de son épais fardeau.
” Soin stérile et cruel ! car de ces édifices
” Ils n’ont jamais tenté les sombres artifices.
” Soldats ! vous outragez le ministre et le Dieu,
” Dieu même que mes mains apportent dans ce lieu. ”
Il parle; mais en vain sa crainte les prononce:
Les Amants de Montmorency
I
Etaient-ils malheureux, Esprits qui le savez !
Dans les trois derniers jours qu’ils s’étaient réservés ?
Vous les vîtes partir tous deux, l’un jeune et grave,
L’autre joyeuse et jeune. Insouciante esclave,
Suspendue au bras droit de son rêveur amant,
Comme à l’autel un vase attaché mollement,
Balancée en marchant sur sa flexible épaule
Comme la harpe juive à la branche du saule;
I
Qu’il est doux, qu’il est doux d’écouter des histoires,
Des histoires du temps passé,
Quand les branches d’arbres sont noires,
Quand la neige est épaisse et charge un sol glacé !
Quand seul dans un ciel pâle un peuplier s’élance,
Quand sous le manteau blanc qui vient de le cacher
L’immobile corbeau sur l’arbre se balance,
Comme la girouette au bout du long clocher ! Lire la suite...