Et, comme s’il avait le regret de finir
Submergé par la nuit noire qui va venir,
Le crépuscule gris à ma vitre s’attarde.
Mon rideau se teint d’ombre et chaque objet se farde
Et s’enveloppe lentement, sans se ternir,
De ce jour ténébreux qu’on ne peut définir
Mais que l’œil, même en plein soleil, évoque et garde,
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Se répondent dans la maison
Tranquille, où par la vitre entre le crépuscule,
Naissant, là-bas, à l’horizon.Le silence s’aggrave d’ombre,
L’intimité s’approfondit
De tout le charme triste et doux que la pénombre
Avec mystère répandit.
C’est l’heure où le sang bat aux tempes
Plus lent, où le rêve descend,
Où volontiers l’on tarde à rallumer les lampes
Dans le soir peu à peu croissant ;
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Le vent passionné palpite et porte une âme
De soleil violent et d’arômes légers
Qu’il prit dans les jardins, les champs et les vergers.
Juin, qui sommeille encore aux cœurs fermés des roses,
Se parfume aux derniers rameaux des lilas roses.
L’ardent Printemps prépare une fête à l’Été.
Riches d’herbe et de fleurs, de grâce et de beauté,
Pour le retour du dieu magnifique, les routes
D’innombrables couleurs étincelleront toutes,
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Et que nous subissions l’influence du soir,
Rêveur, chacun de nous écoutait sa pensée
Par le même silence intimement bercée.
La nuit mélancolique épanchait sa douceur
Avec un caressant geste de grande soeur,
Et nous voyions passer dans l’ombre transparente,
De temps en temps, soudaine, une étoile filante.
Beau ciel où pas un seul nuage n’apparaît,
Et j’éprouve un plaisir indicible et secret
À sentir converger l’azur sous ma paupière !
Le bleu me glisse au coeur, frais comme une rivière
Qui, sans me déborder, toujours s’élargirait,
Et l’immense infini que rien ne contiendrait,
Vague à vague, s’étale en mon âme humble et fière !
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Qui descend du ciel pur en rayons éclatants.
L’air est déjà chargé de tiédeur vaporeuse,
Flottante et douce comme une fumée heureuse.
Tout le long des sentiers où la neige a fondu
Et par petits ruisseaux d’argent clair descendu,
Sous le rayonnement royal du jour superbe,
Nous chercherons, joyeux et penchés, les brins d’herbe
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Et j’en sais un, là-bas, dont tous les rameaux saignent !
Il est dans la montagne, auprès d’un chêne vieux,
Sur le bord d’un chemin sombre et silencieux.
L’écarlate s’épand et le rubis s’écoule
De sa large ramure au bruit frais d’eau qui coule.
Il n’est qu’une blessure où, magnifiquement,
Le rayon qui pénètre allume un flamboiement !
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En un brouillard léger flottant au crépuscule.
Un lambeau de soleil au lointain du ciel brûlé,
Et l’on voit s’effacer les clochers d’alentour.
La poussière du jour et la cendre de l’heure
Montent, comme au-dessus d’un invisible feu,
Et dans le clair de lune adorablement bleu
Planent au gré du vent dont l’air frais nous effleure.
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Dans la prairie en fleurs
Butine activement l’abeille diligente !
L’incrédule ruisseau dont le flot bleu s’argente
Abreuve encore l’herbe et les merles siffleurs!
Insatiable, au ciel tiède et pur, l’hirondelle,
Dédaigneuse de Dieu, poursuit les moucherons !
Et les arbres, berçant au vent leurs larges fronts,
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Qui pourrait te guérir et qui pourrait t’aimer ?
Tu portes à ton front l’ombre amère et suprême
D’une âme que l’ennui va bientôt consumer.
La solitude grave à ton cœur est mauvaise :
Le pire compagnon de toi-même, c’est toi !
Ô le regard aimé qui doucement apaise,
Quand viendra-t-il poser sa caresse sur moi ?
L’heure m’est un tourment cruel, et tous les livres
Ne pourraient endormir ce mal fort et subtil.
Afin qu’heureusement, un jour, tu t’en délivres,
Et pour jamais, ô cœur blessé, que te faut-il ? […]
Le Miroir des jours
Albert Lozeau