Horace ACTE IV Scène III
Horace par Pierre Corneille
Le vieil Horace
Ma fille, il n’est plus temps de répandre des pleurs;
Il sied mal d’en verser où l’on voit tant d’honneurs;
On pleure injustement des pertes domestiques,
Quand on en voit sortir des victoires publiques.
Rome triomphe d’Albe, et c’est assez pour nous;
Tous nos maux à ce prix doivent nous être doux.
Horace ACTE IV Scène IV
Horace par Pierre Corneille
Camille
Oui, je lui ferai voir, par d’infaillibles marques,
Qu’un véritable amour brave la main des Parques,
Et ne prend point de lois de ces cruels tyrans
Qu’un astre injurieux nous donne pour parents.
Tu blâmes ma douleur, tu l’oses nommer lâche;
Je l’aime d’autant plus que plus elle te fâche,
Impitoyable père, et par un juste effort
Horace ACTE IV Scène V
Horace par Pierre Corneille
Horace
Ma sœur, voici le bras qui venge nos deux frères,
Le bras qui rompt le cours de nos destins contraires,
Qui nous rend maîtres d’Albe; enfin voici le bras
Qui seul fait aujourd’hui le sort de deux états;
Vois ces marques d’honneur, ces témoins de ma gloire,
Et rends ce que tu dois à l’heur de ma victoire.
Camille
Horace ACTE IV Scène VI
Horace par Pierre Corneille
Procule
Que venez-vous de faire ?
Horace
Un acte de justice:
Un semblable forfait veut un pareil supplice.
Procule
Vous deviez la traiter avec moins de rigueur.
Horace
Ne me dis point qu’elle est et mon sang et ma sœur.
Horace ACTE IV Scène VII
Horace par Pierre Corneille
Sabine
À quoi s’arrête ici ton illustre colère ?
Viens voir mourir ta sœur dans les bras de ton père;
Viens repaître tes yeux d’un spectacle si doux:
Ou si tu n’es point las de ces généreux coups,
Immole au cher pays des vertueux Horaces
Ce reste malheureux du sang des Curiaces.
Horace ACTE V Scène I
Horace par Pierre Corneille
Le vieil Horace
Retirons nos regards de cet objet funeste,
Pour admirer ici le jugement céleste:
Quand la gloire nous enfle, il sait bien comme il faut
Confondre notre orgueil qui s’élève trop haut.
Nos plaisirs les plus doux ne vont point sans tristesse;
Il mêle à nos vertus des marques de faiblesse,
Horace ACTE V Scène II
Horace par Pierre Corneille
Le vieil Horace
Ah ! Sire, un tel honneur a trop d’excès pour moi;
Ce n’est point en ce lieu que je dois voir mon roi:
Permettez qu’à genoux…
Tulle
Non, levez-vous, mon père:
Je fais ce qu’en ma place un bon prince doit faire.
Un si rare service et si fort important
Veut l’honneur le plus rare et le plus éclatant.
Horace ACTE V Scène III
Horace par Pierre Corneille
Sabine
Sire, écoutez Sabine, et voyez dans son âme
Les douleurs d’une sœur, et celles d’une femme,
Qui toute désolée, à vos sacrés genoux,
Pleure pour sa famille, et craint pour son époux.
Ce n’est pas que je veuille avec cet artifice
Dérober un coupable au bras de la justice:
Quoi qu’il ait fait pour vous, traitez-le comme tel,
Et punissez en moi ce noble criminel;
De mon sang malheureux expiez tout son crime;