Polichinelle, dans la nuit, vient pour donner une sérénade à sa maîtresse. Il est interrompu d’abord par des violons, contre lesquels il se met en colère, et ensuite par le Guet, composé de musiciens et de danseurs.
POLICHINELLE
Ô amour, amour, amour, amour ! Pauvre Polichinelle, quelle diable de fantaisie t’es-tu allé mettre dans la cervelle ? à quoi t’amuses-tu, misérable insensé que tu es ? Tu quittes le soin de ton négoce, et tu laisses aller tes affaires à l’abandon. Tu ne manges plus, tu ne bois presque plus, tu perds le repos de la nuit; et tout cela pour qui ? Pour une dragonne, franche dragonne, une diablesse qui te rembarre, et se moque de tout ce que tu peux lui dire. Mais il n’y a point à raisonner là-dessus. Tu le veux, amour: il faut être fou comme beaucoup d’autres. Cela n’est pas le mieux du monde à un homme de mon âge; mais qu’y faire ? On n’est pas sage quand on veut, et les vieilles cervelles se démontent comme les jeunes.
Toinette, Cléante
Toinette
Que demandez-vous, monsieur ?
Cléante
Ce que je demande ?
Toinette
Ah ! ah ! c’est vous ! Quelle surprise ! Que venez-vous faire céans ?
Cléante
Savoir ma destinée, parler à l’aimable Angélique, consulter les sentiments de son cœur, et lui demander ses résolutions sur ce mariage fatal dont on m’a averti.
Toinette
Argan, Toinette, Cléante
Argan
Monsieur Purgon m’a dit de me promener le matin, dans ma chambre, douze allées et douze venues; mais j’ai oublié à lui demander si c’est en long ou en large.
Toinette
Monsieur, voilà un…
Argan
Parle bas, pendarde ! tu viens m’ébranler tout le cerveau, et tu ne songes pas qu’il ne faut point parler si haut à des malades.
Argan, Angélique, Cléante
Argan
Venez, ma fille. Votre maître de musique est allé aux champs; et voilà une personne qu’il envoie à sa place pour vous montrer.
Angélique
Ah ! ciel !
Argan
Qu’est-ce ? D’où vient cette surprise ?
Angélique
C’est…
Argan
Toinette, Cléante, Angélique, Argan
Toinette, par dérision. Ma foi, monsieur, je suis pour vous maintenant, et je me dédis de tout ce que je disais hier. Voici monsieur Diafoirus le père et monsieur Diafoirusl e fils qui viennent vous rendre visite. Que vous serez bien engendré ! Vous allez voir le garçon le mieux fait du monde et le plus spirituel. Il n’a dit que deux mots, qui m’ont ravie; et votre fille va être charmée de lui.
Argan, à Cléante, qui feint de vouloir s’en aller. Ne vous en allez point, monsieur. C’est que je marie ma fille; et voilà qu’on lui amène son prétendu mari, qu’elle n’a point encore vu.
Cléante
C’est m’honorer beaucoup, monsieur, de vouloir que je sois témoin d’une entrevue si agréable.
Argan
C’est le fils d’un habile médecin; et le mariage se fera dans quatre jours.
Monsieur Diafoirus, Thomas Diafoirus, Argan, Angélique, Cléante, Toinette
Argan, mettant la main à son bonnet, sans l’ôter.
Monsieur Purgon, monsieur, m’a défendu de découvrir ma tête. Vous êtes du métier: vous savez les conséquences.
Monsieur Diafoirus
Nous sommes dans toutes nos visites pour porter secours aux malades, et non pour leur porter de l’incommodité. Ils parlent tous deux en même temps, s’interrompant et confondant.
Argan
Je reçois, monsieur…
Monsieur Diafoirus
Nous venons ici, monsieur…
Le malade imaginaire ACTE II Scène 6
je ne peux que vous conseiller le malade imaginaire au format livre
Béline, Argan, Toinette, Angélique, Monsieur Diafoirus, Thomas Diafoirus
Argan
M’amour, voilà le fils de monsieur Diafoirus.
Thomas Diafoirus commence un compliment qu’il aurait étudié, et, la mémoire lui manquant, ne peut continuer.
Madame, c’est avec justice que le ciel vous a concédé le nom de belle-mère, puisque l’on voit sur votre visage…
Béline
Monsieur, je suis ravie d’être venue ici à propos, pour avoir l’honneur de vous voir.
Thomas Diafoirus
Béline, Argan
Béline
Je viens, mon fils, avant que de sortir, vous donner avis d’une chose à laquelle il faut que vous preniez garde. En passant par-devant la chambre d’Angélique, j’ai vu un jeune homme avec elle qui s’est sauvé d’abord qu’il m’a vue.
Argan
Un jeune homme avec ma fille !
Béline
Oui. Votre petite fille Louison était avec eux, qui pourra vous en dire des nouvelles.
Argan
Envoyez-la ici, m’amour, envoyez-la ici. Ah ! l’effrontée ! Je ne m’étonne plus de sa résistance.
Le malade imaginaire ACTE II Scène 7
Le malade imaginaire
ACTE II Scène 7 de le malade imaginaire
La pièce de Théâtre Le malade imaginaire par Molière
Louison, Argan
Louison
Qu’est-ce que vous voulez, mon papa ! ma belle-maman m’a dit que vous me demandez.
Argan
Oui. Venez çà. Avancez là. Tournez-vous. Levez les yeux. Regardez-moi. Eh ?
Louison
Quoi, mon papa ?
Argan
Là.
Louison
Quoi ?
Argan
N’avez-vous rien à me dire ?
Louison
Béralde, Argan
Béralde
Eh bien, mon frère, qu’est-ce ? Comment vous portez-vous ?
Argan
Ah ! mon frère, fort mal.
Béralde
Comment ! fort mal ?
Argan
Oui, je suis dans une faiblesse si grande, que cela n’est pas croyable.
Béralde
Voilà qui est fâcheux.
Argan
Je n’ai pas seulement la force de pouvoir parler.
Béralde