Vingt mille lieues sous les mers
Vingt mille lieues sous les mers partie 1 Chapitre XX
Pendant la nuit du 27 au 28 décembre, le Nautilus abandonna les parages de Vanikoro avec une vitesse excessive. Sa direction était sud-ouest, et, en trois jours, il franchit les sept cent cinquante lieues qui séparent le groupe de La Pérouse de la pointe sud-est de la Papouasie.
Le 1er janvier 1863, de grand matin, Conseil me rejoignit sur la plate-forme.
” Monsieur, me dit ce brave garçon, monsieur me permettra-t-il de lui souhaiter une bonne année ?
— Comment donc, Conseil, mais exactement comme si j’étais à Paris, dans mon cabinet du Jardin des Plantes. J’accepte tes vœux et je t’en remercie. Seulement, je te demanderai ce que tu entends par “ une bonne année “, dans les circonstances où nous nous trouvons. Est-ce l’année qui amènera la fin de notre emprisonnement, ou l’année qui verra se continuer cet étrange voyage ?
— Ma foi, répondit Conseil, je ne sais trop que dire à monsieur. Il est certain que nous voyons de curieuses choses, et que, depuis deux mois, nous n’avons pas eu le temps de nous ennuyer. La dernière merveille est toujours la plus étonnante, et si cette progression se maintient, je ne sais pas comment cela finira. M’est avis que nous ne retrouverons jamais une occasion semblable.
Chapitre XLIV
L’expédition qui se trouvait sur le bord du fleuve avait été envoyée par le gouverneur du Sénégal; elle se composait de deux officiers, MM. Dufraisse, lieutenant d’infanterie de marine, et Rodamel, enseigne de vaisseau; d’un sergent et de sept soldats. Depuis deux jours, ils s’occupaient de reconnaître la situation la plus favorable pour l’établissement d’un poste à Gouina, lorsqu’ils furent témoins de l’arrivée du docteur Fergusson.
On se figure aisément les félicitations et les embrassements dont furent accablés les trois voyageurs. Les Français, ayant pu contrôler par eux mêmes l’accomplissement de cet audacieux projet, devenaient les témoins naturels de Samuel Fergusson.
Aussi le docteur leur demanda-t-il tout d’abord de constater officiellement son arrivée aux cataractes de Gouina. Lire la suite...
Vingt mille lieues sous les mers partie 1 Chapitre XXI
Je fus assez vivement impressionné en touchant terre. Ned Land essayait le sol du pied, comme pour en prendre possession. Il n’y avait pourtant que deux mois que nous étions, suivant l’expression du capitaine Nemo, les “ passagers du Nautilus, ” c’est-à-dire. en réalité, les prisonniers de son commandant.
En quelques minutes, nous fûmes à une portée de fusil de la côte. Le sol était presque entièrement madréporique, mais certains lits de torrents desséchés, semés de débris granitiques, démontraient que cette île était due à une formation primordiale. Tout l’horizon se cachait derrière un rideau de forêts admirables. Des arbres énormes, dont la taille atteignait parfois deux cents pieds, se reliaient l’un à l’autre par des guirlandes de lianes, vrais hamacs naturels que berçait une brise légère. C’étaient des mimosas, des ficus, des casuarinas, des teks, des hibiscus, des pendanus, des palmiers, mélangés à profusion, et sous l’abri de leur voûte verdoyante, au pied de leur stype gigantesque, croissaient des orchidées des légumineuses et des fougères. Lire la suite...
Vingt mille lieues sous les mers partie 1 Chapitre XXII
Nous avions regardé du côté de la forêt, sans nous lever, ma main s’arrêtant dans son mouvement vers ma bouche, celle de Ned Land achevant son office.
” Une pierre ne tombe pas du ciel, dit Conseil, ou bien elle mérite le nom d’aérolithe. ”
Une seconde pierre, soigneusement arrondie, qui enleva de la main de Conseil une savoureuse cuisse de ramier, donna encore plus de poids à son observation.
Levés tous les trois, le fusil à l’épaule, nous étions prêts à répondre à toute attaque.
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Vingt mille lieues sous les mers partie 1 Chapitre XXIII
Le jour suivant, 10 janvier, le Nautilus reprit sa marche entre deux eaux, mais avec une vitesse remarquable que je ne puis estimer à moins de trente-cinq milles à l’heure. La rapidité de son hélice était telle que je ne pouvais ni suivre ses tours ni les compter. Quand je songeais que ce merveilleux agent électrique, après avoir donné le mouvement, la chaleur, la lumière au Nautilus, le protégeait encore contre les attaques extérieures, et le transformait en une arche sainte à laquelle nul profanateur ne touchait sans être foudroyé, mon admiration n’avait plus de bornes, et de l’appareil, elle remontait aussitôt à l’ingénieur qui l’avait créé. Lire la suite...
Vingt mille lieues sous les mers partie 1 Chapitre XXIV
Le lendemain, je me réveillai la tête singulièrement dégagée. A ma grande surprise, j’étais dans ma chambre. Mes compagnons, sans doute, avaient été réintégrés dans leur cabine, sans qu’ils s’en fussent aperçus plus que moi. Ce qui s’était passé pendant cette nuit, ils l’ignoraient comme je l’ignorais moi-même, et pour dévoiler ce mystère, je ne comptais que sur les hasards de l’avenir.
Je songeai alors à quitter ma chambre. Étais-je encore une fois libre ou prisonnier ? Libre entièrement. J’ouvris la porte, je pris par les coursives, je montai l’escalier central. Les panneaux, fermés la veille, étaient ouverts. J’arrivai sur la plate-forme. Lire la suite...
Vingt mille lieues sous les mers partie 2 Chapitre I
Ici commence la seconde partie de ce voyage sous les mers. La première s’est terminée sur cette émouvante scène du cimetière de corail qui a laissé dans mon esprit une impression profonde. Ainsi donc, au sein de cette mer immense, la vie du capitaine Nemo se déroulait tout entière, et il n’était pas jusqu’à sa tombe qu’il n’eût préparée dans le plus impénétrable de ses abîmes. Là, pas un des monstres de l’Océan ne viendrait troubler le dernier sommeil de ces hôtes du Nautilus, de ces amis, rivés les uns aux autres, dans la mort aussi bien que dans la vie ! “ Nul homme, non plus ! ” avait ajouté le capitaine.
Toujours cette même défiance, farouche, implacable, envers les sociétés humaines ! Lire la suite...
Vingt mille lieues sous les mers partie 2 Chapitre II
Le 28 février, lorsque le Nautilus revint à midi à la surface de la mer, par 9°4’ de latitude nord, il se trouvait en vue d’une terre qui lui restait à huit milles dans l’ouest. J’observai tout d’abord une agglomération de montagnes, hautes de deux mille pieds environ, dont les formes se modelaient très capricieusement. Le point terminé, je rentrai dans le salon, et lorsque le relèvement eut été reporté sur la carte, je reconnus que nous étions en présence de l’île de Ceyland, cette perle qui pend au lobe inférieur de la péninsule indienne.
J’allai chercher dans la bibliothèque quelque livre relatif à cette île, l’une des plus fertiles du globe. Je trouvai précisément un volume de Sirr H. C., esq., intitulé Ceylan and the Cingalese. Rentré au salon, je notai d’abord les relèvements de Ceyland, à laquelle l’antiquité avait prodigué tant de noms divers. Sa situation était entre 5°55’ et 9°49’ de latitude nord, et entre 79°42’ et 82°4’ de longitude à l’est du méridien de Greenwich; sa longueur, deux cent soixante-quinze milles; sa largeur maximum, cent cinquante milles; sa circonférence. neuf cents milles; sa superficie, vingt-quatre mille quatre cent quarante-huit milles, c’est-à-dire un peu inférieure à celle de l’Irlande. Lire la suite...
Vingt mille lieues sous les mers partie 2 Chapitre III
La nuit arriva. Je me couchai. Je dormis assez mal. Les squales jouèrent un rôle important dans mes rêves, et je trouvai très juste et très injuste à la fois cette étymologie qui fait venir le mot requin du mot “ requiem. ”
Le lendemain, à quatre heures du matin, je fus réveillé par le stewart que le capitaine Nemo avait spécialement mis à mon service. Je me levai rapidement, je m’habillai et je passai dans le salon.
Le capitaine Nemo m’y attendait.
” Monsieur Aronnax, me dit-il, êtes-vous prêt à partir ?
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Vingt mille lieues sous les mers partie 2 Chapitre IV
Pendant la journée du 29 janvier, l’île de Ceylan disparut sous l’horizon, et le Nautilus, avec une vitesse de vingt milles à l’heure, se glissa dans ce labyrinthe de canaux qui séparent les Maledives des Laquedives. Il rangea même l’île Kittan, terre d’origine madréporique, découverte par Vasco de Gama en 1499, et l’une des dix-neuf principales îles de cet archipel des Laquedives, situé entre 10° et 14°30’ de latitude nord, et 69° et 50°72’ de longitude est.
Nous avions fait alors seize mille deux cent vingt milles, ou sept mille cinq cents lieues depuis notre point de départ dans les mers du Japon. Lire la suite...