Cinq Semaines en ballon

Chapitre XXXI

Vers trois heures du matin, Joe, étant de quart, vit enfin la ville se déplacer sous ses pieds. Le Victoria reprenait sa marche. Kennedy et le docteur se réveillèrent.

Ce dernier consulta la boussole, et reconnut avec satisfaction que le vent les portait vers le nord-nord-est.

” Nous jouons de bonheur, dit-il; tout nous réussit; nous découvrirons le lac Tchad aujourd’hui même.

— Est-ce une grande étendue d’eau ? demanda Kennedy.
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Chapitre XXXII

Depuis son arrivée au lac Tchad, le Victoria avait rencontré un courant qui s’inclinait plus à l’ouest; quelques nuages tempéraient alors la chaleur du jour; on sentait d’ailleurs un peu d’air sur cette vaste étendue d’eau; mais, vers une heure, le ballon, ayant coupé de biais cette partie du lac, s’avança de nouveau dans les terres pendant l’espace de sept ou huit milles.

Le docteur, un peu fâché d’abord de cette direction, ne pensa plus à s’en plaindre quand il aperçut la ville de Kouka, la célèbre capitale du Bornou; il put l’entrevoir un instant, ceinte de ses murailles d’argile blanche; quelques mosquées assez grossières s’élevaient lourdement au-dessus de cette multitude de dés à jouer qui forment les maisons arabes. Dans les cours des maisons et sur les places publiques poussaient des palmiers et des arbres à caoutchouc, couronnés par un dôme de feuillage large de plus de Lire la suite...

Chapitre XXXIII

Le lendemain, 13 mai, les voyageurs reconnurent tout d’abord la partie de la côte qu’ils occupaient. C’était une sorte d’île de terre ferme au milieu d’un immense marais. Autour de ce morceau de terrain solide s’élevaient des roseaux grands comme des arbres d’Europe et qui s’étendaient à perte de vue.

Ces marécages infranchissables rendaient sûre la position du Victoria; il fallait seulement surveiller le côté du lac; la vaste nappe d’eau allait s’élargissant, surtout dans l’est, et rien ne paraissait à l’horizon, ni continent ni îles.

Les deux amis n’avaient pas encore osé parler de leur infortuné compagnon. Kennedy fut le premier à faire part de ses conjectures au docteur. Lire la suite...

Chapitre XXXIV

À trois heures du matin, le vent faisait rage et soufflait avec une violence telle que le Victoria ne pouvait demeurer près de terre sans danger; les roseaux froissaient son enveloppe, qu’ils menaçaient de déchirer.

” Il faut partir, Dick, fit le docteur; nous ne pouvons rester dans cette situation.

— Mais Joe, Samuel ?

— Je ne l’abandonne pas ! non certes ! et, dût l’ouragan m’emporter à cent milles dans le nord, je reviendrai ! Mais ici nous compromettons la sûreté de tous.
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Chapitre XXXV

Qu’était devenu Joe pendant les vaines recherches de son maître ?

Lorsqu’il se fut précipité dans le lac, son premier mouvement à la surface fut de lever les yeux en l’air; il vit le Victoria, déjà fort élevé au-dessus du lac, remonter avec rapidité, diminuer peu à peu, et, pris bientôt par un courant rapide, disparaître vers le nord. Son maître, ses amis étaient sauvés.

” Il est heureux, se dit-il, que j’aie eu cette pensée de me jeter dans le Tchad; elle n’eût pas manqué de venir à l’esprit de M. Kennedy, et certes il n’aurait pas hésité à faire comme moi, car il est bien naturel qu’un homme se sacrifie pour en sauver deux autres. C’est mathématique. ”

Rassuré sur ce point, Joe se mit à songer à lui; il était au milieu d’un lac immense, entouré de peuplades inconnues, et probablement féroces. Lire la suite...

Chapitre XXXVI

Depuis que Kennedy avait repris son poste d’observation sur le devant de la nacelle, il ne cessait d’observer l’horizon avec une grande attention.

Au bout de quelque temps, il se retourna vers le docteur et dit:

” Si je ne me trompe, voici là-bas une troupe en mouvement, hommes ou animaux; il est encore impossible de les distinguer. En tout cas, ils s’agitent violemment, car ils soulèvent un nuage de poussière.

— Ne serait-ce pas encore un vent contraire, dit Samuel, une trombe qui viendrait nous repousser au nord ? ”
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Chapitre XXXVII

Le vent pendant la nuit se reposa de ses violences du jour, et le Victoria demeura paisiblement au sommet d’un grand sycomore; le docteur et Kennedy veillèrent à tour de rôle, et Joe en profita pour dormir vigoureusement et tout d’un somme pendant vingt-quatre heures.

” Voilà le remède qu’il lui faut, dit Fergusson; la nature se chargera de sa guérison. ”

Au jour, le vent revint assez fort, mais capricieux; il se jetait brusquement dans le nord et le sud, mais en dernier lieu, le Victoria fut entraîné vers l’ouest.

Le docteur, la carte à la main, reconnut le royaume du Damerghou, terrain onduleux d’une grande fertilité, avec les huttes de ses villages faites de longs roseaux entremêlés des branchages de l’asclepia; les meules de grains s’élevaient, dans les champs cultivés, sur de petits échafaudages destinés à les préserver de l’invasion des souris et des termites. Lire la suite...

Chapitre XXXVIII

La journée du 17 mai fut tranquille et exempte de tout incident; le désert recommençait; un vent moyen ramenait le Victoria dans le sud-ouest; il ne déviait ni à droite ni à gauche; son ombre traçait sur le sable une ligne rigoureusement droite.

Avant son départ, le docteur avait renouvelé prudemment sa provision d’eau; il craignait de ne pouvoir prendre terre sur ces contrées infestées par les Touaregs Aouelimminiens. Le plateau, élevé de dix-huit cents pieds au-dessus du niveau de la mer, se déprimait vers le sud. Les voyageurs, ayant coupé la route d’Aghadès à Mourzouk, souvent battue par le pied des chameaux, arrivèrent au soir par 16° de latitude et 4° 55’ de longitude, après avoir franchi cent quatre-vingts milles d’une longue monotonie. Lire la suite...

Chapitre XXXIX

Pendant cette maussade journée du lundi, le docteur Fergusson se plut à donner à ses compagnons mille détails sur la contrée qu’ils traversaient. Le sol assez plat n’offrait aucun obstacle à leur marche. Le seul souci du docteur était causé par ce maudit vent du nord-est qui soufflait avec rage et l’éloignait de la latitude de Tembouctou.

Le Niger, après avoir remonté au nord jusqu’à cette ville, s’arrondit comme un immense jet d’eau et retombe dans l’océan Atlantique en gerbe largement épanouie; dans ce coude, le pays est très varié, tantôt d’une fertilité luxuriante, tantôt d’une extrême aridité; les plaines incultes succèdent aux champs de maïs, qui sont remplacés par de vastes terrains couverts de genêts; toutes les espèces d’oiseaux d’humeur aquatique, pélicans, sarcelles, martins-pêcheurs, vivent en troupes nombreuses sur les bords des torrents et des marigots. Lire la suite...

Chapitre XL

Le lit du fleuve était alors partagé par de grandes îles en branches étroites d’un courant fort rapide. Sur l’une d’entre elles s’élevaient quelques cases de bergers; mais il fut impossible d’en faire un relèvement exact, car la vitesse du Victoria s’accroissait toujours. Malheureusement, il inclinait encore plus au sud et franchit en quelques instants le lac Debo.

Fergusson chercha à diverses élévations, en forçant extrêmement sa dilatation, d’autres courants dans l’atmosphère, mais en vain. Il abandonna promptement cette manœuvre, qui augmentait encore la déperdition de son gaz, en le pressant contre les parois fatiguées de l’aérostat.

Il ne dit rien, mais il devint fort inquiet. Cette obstination du vent à le rejeter vers la partie méridionale de l’Afrique déjouait ses calculs. Il ne savait plus sur qui ni sur quoi compter. S’il n’atteignait pas les territoires anglais ou français, que devenir au milieu des barbares Lire la suite...

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