Britannicus ACTE V Scène VIII
Agrippine, Burrhus, Albine
Albine
Ah ! Madame ! ah ! Seigneur ! courez vers l’empereur,
Venez sauver César de sa propre fureur:
Il se voit pour jamais séparé de Junie.
Agrippine
Quoi ? Junie elle-même a terminé sa vie ?
Albine
Pour accabler César d’un éternel ennui,
Madame, sans mourir elle est morte pour lui.
Vous savez de ces lieux comme elle s’est ravie:
Elle a feint de passer chez la triste Octavie;
Mais bientôt elle a pris des chemins écartés
Où mes yeux ont suivi ses pas précipités.
Des portes du palais elle sort éperdue.
D’abord elle a d’Auguste aperçu la statue,
Et mouillant de ses pleurs le marbre de ses pieds,
Que de ses bras pressants elle tenait liés:
“Prince, par ces genoux, dit-elle, que j’embrasse,
Protège en ce moment le reste de ta race.
Rome, dans ton palais, vient de voir immoler
Le seul de tes neveux qui te pût ressembler.
On veut après sa mort que je lui sois parjure;
Mais pour lui conserver une foi toujours pure,
Prince, je me dévoue à ces dieux immortels
Dont ta vertu t’a fait partager les autels.”
Le peuple cependant, que ce spectacle étonne,
Vole de toutes parts, se presse, l’environne,
S’attendrit à ses pleurs, et plaignant son ennui,
D’une commune voix la prend sous son appui.
Ils la mènent au temple, où depuis tant d’années
Au culte des autels nos vierges destinées
Gardent fidèlement le dépôt précieux
Du feu toujours ardent qui brûle pour nos dieux.
César les voit partir sans oser les distraire.
Narcisse, plus hardi, s’empresse pour lui plaire:
Il vole vers Junie, et sans s’épouvanter,
D’une profane main commence à l’arrêter.
De mille coups mortels, son audace est punie;
Son infidèle sang rejaillit sur Junie.
César, de tant d’objets en même temps frappé,
Le laisse entre les mains qui l’ont enveloppé.
Il rentre. Chacun fuit son silence farouche.
Le seul nom de Junie échappe de sa bouche.
Il marche sans dessein, ses yeux mal assurés
N’osent lever au ciel leurs regards égarés,
Et l’on craint, si la nuit jointe à la solitude
Vient de son désespoir aigrir l’inquiétude,
Si vous l’abandonnez plus longtemps sans secours,
Que sa douleur bientôt n’attente sur ses jours.
Le temps presse: courez. Il ne faut qu’un caprice;
Il se perdrait, Madame.
Agrippine
Il se ferait justice.
Mais, Burrhus, allons voir jusqu’où vont ses transports.
Voyons quel changement produiront ses remords,
S’il voudra désormais suivre d’autres maximes.
Burrhus
Plût aux dieux que ce fût le dernier de ses crimes !
Britannicus a été écrit par Jean Racine, il a aussi écrit Phèdre et andromaque
Jean Racine est un auteur dramaturge de théâtre, contemporain de Jean de La Fontaine, Pierre Corneille, Molière, Charles Perrault, Nicolas Boileau,
il vécut sous le règne de Louis XIV, citation et citations, citations Jean Racine.
La pièce de Théâtre Britannicus par Jean Racine.