Britannicus ACTE III Scène VI
Britannicus, Narcisse
Britannicus
Ne m’as-tu point flatté d’une fausse espérance ?
Puis-je sur ton récit fonder quelque assurance,
Narcisse ?
Narcisse
Oui. Mais, Seigneur, ce n’est pas en ces lieux
Qu’il faut développer ce mystère à vos yeux.
Sortons. Qu’attendez-vous ?
Britannicus
Ce que j’attends, Narcisse ?
Hélas !
Narcisse
Expliquez-vous.
Britannicus
Si par ton artifice,
Je pouvais revoir…
Narcisse
Qui ?
Britannicus
J’en rougis. Mais enfin
D’un cœur moins agité j’attendrais mon destin.
Narcisse
Après tous mes discours, vous la croyez fidèle ?
Britannicus
Non, je la crois, Narcisse, ingrate, criminelle,
Digne de mon courroux; mais je sens, malgré moi,
Que je ne le crois pas autant que je le doi.
Dans ses égarements mon cœur opiniâtre
Lui prête des raisons, l’excuse, l’idolâtre.
Je voudrais vaincre enfin mon incrédulité,
Je la voudrais haïr avec tranquillité.
Et qui croira qu’un cœur si grand en apparence,
D’une infidèle cour ennemi dès l’enfance,
Renonce à tant de gloire, et dès le premier jour
Trame une perfidie inouïe à la cour ?
Narcisse
Et qui sait si l’ingrate, en sa longue retraite,
N’a point de l’empereur médité la défaite ?
Trop sûre que ses yeux ne pouvaient se cacher,
Peut-être elle fuyait pour se faire chercher,
Pour exciter Néron par la gloire pénible
De vaincre une fierté jusqu’alors invincible.
Britannicus
Je ne la puis donc voir ?
Narcisse
Seigneur, en ce moment
Elle reçoit les vœux de son nouvel amant.
Britannicus
Eh bien ! Narcisse, allons. Mais que vois-je ? C’est elle.
Narcisse
Ah ! dieux ! À l’empereur portons cette nouvelle.
La pièce de Théâtre Britannicus par Jean Racine.