Britannicus ACTE III Scène IV
Agrippine, Albine
Albine
Dans quel emportement la douleur vous engage,
Madame ! L’empereur puisse-t-il l’ignorer !
Agrippine
Ah ! lui-même à mes yeux puisse-t-il se montrer !
Albine
Madame, au nom des dieux, cachez votre colère.
Quoi ? pour les intérêts de la sœur ou du frère,
Faut-il sacrifier le repos de vos jours ?
Contraindrez-vous César jusque dans ses amours ?
Agrippine
Quoi ? tu ne vois donc pas jusqu’où l’on me ravale,
Albine ? C’est à moi qu’on donne une rivale.
Bientôt, si je ne romps ce funeste lien,
Ma place est occupée et je ne suis plus rien.
Jusqu’ici d’un vain titre Octavie honorée,
Inutile à la cour, en était ignorée.
Les grâces, les honneurs, par moi seule versés,
M’attiraient des mortels les vœux intéressés.
Une autre de César a surpris la tendresse:
Elle aura le pouvoir d’épouse et de maîtresse,
Le fruit de tant de soins, la pompe des Césars,
Tout deviendra le prix d’un seul de ses regards.
Que dis-je ? l’on m’évite, et déjà délaissée…
Ah ! je ne puis, Albine, en souffrir la pensée.
Quand je devrais du ciel hâter l’arrêt fatal,
Néron, l’ingrat Néron… Mais voici son rival.
La pièce de Théâtre Britannicus par Jean Racine.