Qui sont ceulx là, qui ont si grant envie
Dedans leur cueur, et triste marrisson,
Dont, ce pendant que nous somme en vie,
De maistre Ennuy n’escoutons la leçon?
Ilz ont grand tort, veu qu’en bonne façon
Nous consommons nostre florissant aage.
Saulter, dancer, chanter à l’advantage,
Faulx Envieulx, est ce chose qui blesse?
Nenny (pour vray) mais toute gentillesse,
Et gay vouloir, qui nous tient en ses las.
Ne blasmez point doncques nostre jeunesse,
Car noble cueur ne cherche que soulas.
Nous sommes druz, chagrin ne nous suit mye:
De froit soucy ne sentons le frisson:
Mais de quoy sert une teste endormie?
Autant qu’un Boeuf dormant pres du Buysson.
Languars picquans plus fort qu’un herisson,
Et plus reclus qu’un viel Corbeau en cage;
Jamais d’aultruy ne tiennent bon langage,
Tousjours s’en vont songeans quelcque finesse:
Mais entre nous, nous vivons sans tristesse,
Sans mal penser, plus aises que Prelatz.
D’en dire mal c’est doncques grand simplesse,
Car noble cueur ne cherche que soulas.
Bon cueur, bon corps, bonne phisionomie,
Boire matin, fuyr noise, et tanson:
Dessus le soir, pour l’amour de s’amye
Devant son huys la petite chanson:
Trancher du Brave, et du mauvais Garson,
Aller de nuict, sans faire aulcun oultrage:
Se retirer, voilà le tripotage:
Le lendemain recommancer la presse.
Conclusion, nous demandons liesse:
De la tenir jamais ne fusmes las,
Et maintenons, que cela est noblesse:
Car noble cueur ne cherche que soulas.
Prince d’Amours, à qui debvons hommage,
Certainement c’est ung fort grand dommage,
Que nous n’avons en ce monde largesse
Des grands tresors de Juno la Deesse
Pour Venus suyvre, et que Dame Pallas
Nous vint apres resjouyr en vieillesse,
Car noble cueur ne cherche que soulas.
Poésies Adolescence clémentine
Clément Marot