Cinquième journée de captivité
Cependant milady en était arrivée à un demi-triomphe, et le succès obtenu doublait ses forces.
Il n’était pas difficile de vaincre, ainsi qu’elle l’avait fait jusque-là, des hommes prompts à se laisser séduire, et que l’éducation galante de la cour entraînait vite dans le piège; milady était assez belle pour ne pas trouver de résistance de la part de la chair, et elle était assez adroite pour l’emporter sur tous les obstacles de l’esprit.
Mais, cette fois, elle avait à lutter contre une nature sauvage, concentrée, insensible à force d’austérité; la religion et la pénitence avaient fait de Felton un homme inaccessible aux séductions ordinaires. Il roulait dans cette tête exaltée des plans tellement vastes, des projets tellement tumultueux, qu’il n’y restait plus de place pour aucun amour, de caprice ou de matière, ce sentiment qui se nourrit de loisir et grandit par la corruption. Milady avait donc fait brèche, avec sa fausse vertu, dans l’opinion d’un homme prévenu horriblement contre elle, et par sa beauté, dans le cœur et les sens d’un homme chaste et pur. Enfin, elle s’était donné la mesure de ses moyens, inconnus d’elle-même jusqu’alors, par cette expérience faite sur le sujet le plus rebelle que la nature et la religion pussent soumettre à son étude.
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Un moyen de tragédie classique
Après un moment de silence employé par milady à observer le jeune homme qui l’écoutait, elle continua son récit:
— Il y avait près de trois jours que je n’avais ni bu ni mangé, je souffrais des tortures atroces: parfois il me passait comme des nuages qui me serraient le front, qui me voilaient les yeux: c’était le délire.
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Évasion
Comme l’avait pensé lord de Winter, la blessure de milady n’était pas dangereuse; aussi dès qu’elle se trouva seule avec la femme que le baron avait fait appeler et qui se hâtait de la déshabiller, rouvrit-elle les yeux.
Cependant, il fallait jouer la faiblesse et la douleur; ce n’étaient pas choses difficiles pour une comédienne comme milady; aussi la pauvre femme fut-elle si complètement dupe de sa prisonnière, que, malgré ses instances, elle s’obstina à la veiller toute la nuit.
Mais la présence de cette femme n’empêchait pas milady de songer.
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Ce qui se passait à Portsmouth le 23 août 1628
Felton prit congé de milady comme un frère qui va faire une simple promenade prend congé de sa sœur, en lui baisant la main.
Toute sa personne paraissait dans son état de calme ordinaire: seulement une lueur inaccoutumée brillait dans ses yeux, pareille à un reflet de fièvre; son front était plus pâle encore que de coutume; ses dents étaient serrées, et sa parole avait un accent bref et saccadé qui indiquait que quelque chose de sombre s’agitait en lui.
Tant qu’il resta sur la barque qui le conduisait à terre, il demeura le visage tourné du côté de milady, qui, debout sur le pont, le suivait des yeux. Tous deux étaient assez rassurés sur la crainte d’être poursuivis: on n’entrait jamais dans la chambre de milady avant neuf heures; et il fallait trois heures pour venir du château à Londres.
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En France
La première crainte du roi d’Angleterre, Charles Ier, en apprenant cette mort, fut qu’une si terrible nouvelle ne décourageât les Rochelois; il essaya, dit Richelieu dans ses mémoires, de la leur cacher le plus longtemps possible, faisant fermer les ports par tout son royaume, et prenant soigneusement garde qu’aucun vaisseau ne sortît jusqu’à ce que l’armée que Buckingham apprêtait fût partie, se chargeant, à défaut de Buckingham, de surveiller lui-même le départ.
Il poussa même la sévérité de cet ordre jusqu’à retenir en Angleterre l’ambassadeur de Danemark, qui avait pris congé, et l’ambassadeur ordinaire de Hollande, qui devait ramener dans le port de Flessingue les navires des Indes que Charles Ier avait fait restituer aux Provinces-Unies.
Mais comme il ne songea à donner cet ordre que cinq heures après l’événement, c’est-à-dire à deux heures de l’après-midi, deux navires étaient déjà sortis du port: l’un emmenant, comme nous le savons, milady, laquelle, se doutant déjà de l’événement, fut encore confirmée dans cette croyance en voyant le pavillon noir se déployer au mât du vaisseau amiral.
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Le couvent des Carmélites de Béthune
Les grands criminels portent avec eux une espèce de prédestination qui leur fait surmonter tous les obstacles, qui les fait échapper à tous les dangers, jusqu’au moment que la Providence, lassée, a marqué pour l’écueil de leur fortune impie.
Il en était ainsi de milady: elle passa au travers des croiseurs des deux nations, et arriva à Boulogne sans aucun accident.
En débarquant à Portsmouth, milady était une Anglaise que les persécutions de la France chassaient de La Rochelle; débarquée à Boulogne, après deux jours de traversée, elle se fit passer pour une Française que les Anglais inquiétaient à Portsmouth, dans la haine qu’ils avaient conçue contre la France.
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Deux variétés de démons
” Ah ! s’écrièrent ensemble Rochefort et milady, c’est vous !
— Oui, c’est moi.
— Et vous arrivez ? demanda milady.
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Une goutte d’eau
À peine Rochefort fut-il sorti, que madame Bonacieux rentra. Elle trouva milady le visage riant.
— Eh bien, dit la jeune femme, ce que vous craigniez est donc arrivé; ce soir ou demain le cardinal vous envoie prendre ?
— Comment savez-vous cela ? demanda milady.
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L’homme au manteau rouge
Le désespoir d’Athos avait fait place à une douleur concentrée, qui rendait plus lucides encore les brillantes facultés d’esprit de cet homme.
Tout entier à une seule pensée, celle de la promesse qu’il avait faite et de la responsabilité qu’il avait prise, il se retira le dernier dans sa chambre, pria l’hôte de lui procurer une carte de la province, se courba dessus, interrogea les lignes tracées, reconnut que quatre chemins différents se rendaient de Béthune à Armentières, et fit appeler les valets.
Planchet, Grimaud, Mousqueton et Bazin se présentèrent et reçurent les ordres clairs, ponctuels et graves d’Athos. Ils devaient partir au point du jour, le lendemain, et se rendre à Armentières, chacun par une route différente. Planchet, le plus intelligent des quatre, devait suivre celle par laquelle avait disparu la voiture sur laquelle les quatre amis avaient tiré, et qui était accompagnée, on se le rappelle, du domestique de Rochefort.
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Le jugement
C’était une nuit orageuse et sombre, de gros nuages couraient au ciel, voilant la clarté des étoiles, la lune ne devait se lever qu’à minuit.
Parfois, à la lueur d’un éclair qui brillait à l’horizon, on apercevait la route qui se déroulait blanche et solitaire; puis, l’éclair éteint, tout rentrait dans l’obscurité.
À chaque instant Athos invitait d’Artagnan, toujours à la tête de la petite troupe, à reprendre son rang qu’au bout d’un instant il abandonnait de nouveau; il n’avait qu’une pensée, c’était d’aller en avant, et il allait.
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