De l’utilité des tuyaux de poêle
Il était évident que, sans s’en douter, et mus seulement par leur caractère chevaleresque et aventureux, nos trois amis venaient de rendre service à quelqu’un que le cardinal honorait de sa protection particulière.
Maintenant quel était ce quelqu’un ? C’est la question que se firent d’abord les trois mousquetaires; puis, voyant qu’aucune des réponses que pouvait leur faire leur intelligence n’était satisfaisante, Porthos appela l’hôte et demanda des dés.
Porthos et Aramis se placèrent à une table et se mirent à jouer. Athos se promena en réfléchissant.
Lire la suite...
La Première Bécasse
— Mets-toi là, dit M. Lepic. C’est la meilleure place. Je me promènerai dans le bois avec le chien; nous ferons lever les bécasses, et quand tu entendras: pit, pit, dresse l’oreille et ouvre l’œil. Les bécasses passeront sur la tête.
Poil de Carotte tient le fusil couché entre son bras. C’est la première fois qu’il va tirer une bécasse. Il a déjà tué une caille, déplumé une perdrix et manqué un lièvre avec le fusil de M. Lepic.
Il a tué la caille par terre, sous le nez du chien en arrêt. D’abord il regardait, sans la voir, cette petite boule ronde, couleur du sol.
— Recule-toi, lui dit M. Lepic, tu es trop près.
Scène conjugale
Comme l’avait prévu Athos, le cardinal ne tarda point à descendre; il ouvrit la porte de la chambre où étaient entrés les mousquetaires, et trouva Porthos faisant une partie de dés acharnée avec Aramis. D’un coup d’œil rapide, il fouilla tous les coins de la salle, et vit qu’un de ses hommes lui manquait.
— Qu’est devenu M. Athos ? demanda-t-il.
— Monseigneur, répondit Porthos, il est parti en éclaireur sur quelques propos de notre hôte, qui lui ont fait croire que la route n’était pas sûre.
Lire la suite...
L’Hameçon
Poil de Carotte est en train d’écailler ses poissons, des goujons, des ablettes et même des perches. Il les gratte avec un couteau, leur fend le ventre, et fait éclater sous son talon les vessies doubles transparentes. Il réunit les vidures pour le chat. Il travaille, se hâte, absorbé, penché sur le seau blanc d’écume, et prend garde de se mouiller.
Madame Lepic vient donner un coup d’œil.
— À la bonne heure, dit-elle, tu nous as pêché une belle friture, aujourd’hui. Tu n’es pas maladroit, quand tu veux.
Elle lui caresse le cou et les épaules, mais, comme elle retire sa main, elle pousse des cris de douleur.
Elle a un hameçon piqué au bout du doigt.
Le bastion Saint-Gervais
En arrivant chez ses trois amis, d’Artagnan les trouva réunis dans la même chambre: Athos réfléchissait, Porthos frisait sa moustache, Aramis disait ses prières dans un charmant petit livre d’heures relié en velours bleu.
— Pardieu, messieurs ! dit-il, j’espère que ce que vous avez à me dire en vaut la peine, sans cela je vous préviens que je ne vous pardonnerai pas de m’avoir fait venir, au lieu de me laisser reposer après une nuit passée à prendre et à démanteler un bastion. Ah ! que n’étiez-vous là, messieurs ! il y a fait chaud.
— Nous étions ailleurs, où il ne faisait pas froid non plus ! répondit Porthos tout en faisant prendre à sa moustache un pli qui lui était particulier.
Lire la suite...
La Pièce d’Argent
I
Madame Lepic: Tu n’as rien perdu, Poil de Carotte ?
Poil de Carotte: Non, maman.
Madame Lepic: Pourquoi dis-tu non, tout de suite, sans savoir ? Retourne d’abord tes poches.
Poil de Carotte: Il tire les doublures de ses poches et les regarde pendre comme des oreilles d’âne.
Ah ! oui, maman ! Rends-le-moi.
Madame Lepic: Rends-moi quoi ? Tu as donc perdu quelque chose ? Je te questionnais au hasard et je devine ! Qu’est-ce que tu as perdu ?
Les Idées personnelles.
M. Lepic, grand frère Félix, sœur Ernestine et Poil de Carotte veillent près de la cheminée où brûle une souche avec ses racines, et les quatre chaises se balancent sur leurs pieds de devant. On discute et Poil de Carotte, pendant que madame Lepic n’est pas là, développe ses idées personnelles.
— Pour moi, dit-il, les titres de famille ne signifient rien. Ainsi, papa, tu sais comme je t’aime ! Or, je t’aime, non parce que tu es mon père; je t’aime, parce que tu es mon ami. En effet, tu n’as aucun mérite à être mon père, mais je regarde ton amitié comme une haute faveur que tu ne me dois pas et que tu m’accordes généreusement.
— Ah ! répond M. Lepic.
Lire la suite...
Le conseil des mousquetaires
Comme l’avait prévu Athos, le bastion n’était occupé que par une douzaine de morts tant Français que Rochelois.
— Messieurs, dit Athos, qui avait pris le commandement de l’expédition, tandis que Grimaud va mettre la table, commençons par recueillir les fusils et les cartouches; nous pouvons d’ailleurs causer tout en accomplissant cette besogne. Ces messieurs, ajouta-t-il en montrant les morts, ne nous écoutent pas.
— Mais nous pourrions toujours les jeter dans le fossé, dit Porthos, après toutefois nous être assurés qu’ils n’ont rien dans leurs poches.
Lire la suite...
La Tempête de Feuilles
Il y a longtemps que Poil de Carotte, rêveur, observe la plus haute feuille du grand peuplier.
Il songe creux et attend qu’elle remue. Elle semble détachée de l’arbre, vivre à part, seule, sans queue, libre.
Chaque jour, elle se dore au premier et au dernier rayon du soleil.
Depuis midi, elle garde une immobilité de morte, plutôt tache que feuille, et Poil de Carotte perd patience, mal à son aise, lorsque enfin, elle fait un signe.
Au-dessous d’elle, une feuille proche fait le même signe. D’autres feuilles le répètent, le communiquent aux feuilles voisines qui le passent rapidement.
Affaire de famille
Athos avait trouvé le mot: affaire de famille. Une affaire de famille n’était point soumise à l’investigation du cardinal; une affaire de famille ne regardait personne; on pouvait s’occuper devant tout le monde d’une affaire de famille.
Ainsi, Athos avait trouvé le mot: affaire de famille.
Aramis avait trouvé l’idée: les laquais.
Lire la suite...