D’Artagnan se dessine
Comme l’avaient prévu Athos et Porthos, au bout d’une demi-heure d’Artagnan rentra. Cette fois encore il avait manqué son homme, qui avait disparu comme par enchantement. D’Artagnan avait couru, l’épée à la main, toutes les rues environnantes, mais il n’avait rien trouvé qui ressemblât à celui qu’il cherchait, puis enfin il en était revenu à la chose par laquelle il aurait dû commencer peut-être, et qui était de frapper à la porte contre laquelle l’inconnu était appuyé; mais c’était inutilement qu’il avait dix ou douze fois de suite fait résonner le marteau, personne n’avait répondu, et des voisins qui, attirés par le bruit, étaient accourus sur le seuil de leur porte ou avaient mis le nez à leurs fenêtres, lui avaient assuré que cette maison, dont au reste toutes les ouvertures étaient closes, était depuis six mois complètement inhabitée.
Louis XVIII, à l’aspect de ce visage bouleversé, repoussa violemment la table devant laquelle il se trouvait.
— Qu’avez-vous donc, monsieur le baron ? s’écria-t-il, vous paraissez tout bouleversé: ce trouble, cette hésitation, ont-ils rapport à ce que disait M. de Blacas, et à ce que vient de me confirmer M. de Villefort ?
De son côté M. de Blacas s’approchait vivement du baron, mais la terreur du courtisan empêchait de triompher l’orgueil de l’homme d’État; en effet, en pareille circonstance, il était bien autrement avantageux pour lui d’être humilié par le préfet de police que de l’humilier sur un pareil sujet.
— Sire… balbutia le baron.
— Eh bien ! voyons, dit Louis XVIII.
La Carabine
M. Lepic dit à ses fils:
— Vous avez assez d’une carabine pour deux. Des frères qui s’aiment mettent tout en commun.
— Oui, papa, répond grand frère Félix, nous nous partagerons la carabine. Et même il suffira que Poil de Carotte me la prête de temps en temps.
Poil de Carotte ne dit ni oui ni non, il se méfie.
M. Lepic tire du fourreau vert la carabine et demande:
— Lequel des deux la portera le premier ? Il semble que ce doit être l’aîné.