Les Caractères Des Biens de fortune
Un homme fort riche peut manger des entremets, faire peindre ses lambris et ses alcôves, jouir d’un palais à la campagne et d’un autre à la ville, avoir un grand équipage, mettre un duc dans sa famille, et faire de son fils un grand seigneur: cela est juste et de son ressort; mais il appartient peut-être à d’autres de vivre contents.
Une grande naissance ou une grande fortune annonce le mérite, et le fait plus tôt remarquer.
Ce qui disculpe le fat ambitieux de son ambition est le soin que l’on prend, s’il a fait une grande fortune, de lui trouver un mérite qu’il n’a jamais eu, et aussi grand qu’il croit l’avoir.
Les Caractères De la Ville
L’on se donne à Paris, sans se parler, comme un rendez-vous public, mais fort exact, tous les soirs au Cours ou aux Tuileries, pour se regarder au visage et se désapprouver les uns les autres.
L’on ne peut se passer de ce même monde que l’on n’aime point, et dont l’on se moque.
L’on s’attend au passage réciproquement dans une promenade publique; l’on y passe en revue l’un devant l’autre: carrosse, chevaux, livrées, armoiries, rien n’échappe aux yeux, tout est curieusement ou malignement observé; et selon le plus ou le moins de l’équipage, ou l’on respecte les personnes, ou on les dédaigne.
Tout le monde connaît cette longue levée qui borne et qui resserre le lit de la Seine, du côté où elle entre à Paris avec la Marne, qu’elle vient de recevoir: les hommes s’y baignent au pied pendant les chaleurs de la canicule; on les voit de fort près se jeter dans l’eau; on les en voit sortir: c’est un amusement. Quand cette saison n’est pas venue, les femmes de la ville ne s’y promènent pas encore; et quand elle est passée, elles ne s’y promènent plus.
Les Caractères De la Cour
Le reproche en un sens le plus honorable que l’on puisse faire à un homme, c’est de lui dire qu’il ne sait pas la cour: il n’y a sorte de vertus qu’on ne rassemble en lui par ce seul mot.
Un homme qui sait la cour est maître de son geste, de ses yeux et de son visage; il est profond, impénétrable; il dissimule les mauvais offices, sourit à ses ennemis, contraint son humeur, déguise ses passions, dément son cœur, parle, agit contre ses sentiments. Tout ce grand raffinement n’est qu’un vice, que l’on appelle fausseté, quelquefois aussi inutile au courtisan pour sa fortune, que la franchise, la sincérité et la vertu.
Qui peut nommer de certaines couleurs changeantes, et qui sont diverses selon les divers jours dont on les regarde ? de même, qui peut définir la cour ?
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Dans laquelle il est établi que malgré leurs noms en os et en is, les héros de l’histoire que nous allons avoir l’honneur de raconter à nos lecteurs n’ont rien de mythologique.
Il y a un an à peu près, qu’en faisant à la Bibliothèque royale des recherches pour mon histoire de Louis XIV, je tombai par hasard sur les Mémoires de M. d’Artagnan, imprimés – comme la plus grande partie des ouvrages de cette époque, où les auteurs tenaient à dire la vérité sans aller faire un tour plus ou moins long à la Bastille – à Amsterdam, chez Pierre Rouge. Le titre me séduisit: je les emportai chez moi, avec la permission de M. le conservateur, bien entendu, et je les dévorai.
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Le 24 février 1815, la vigie de Notre-Dame de la Garde signala le trois-mâts le Pharaon, venant de Smyrne, Trieste et Naples.
Comme d’habitude, un pilote côtier partit aussitôt du port, rasa le château d’If, et alla aborder le navire entre le cap de Morgion et l’île de Rion.
Aussitôt, comme d’habitude encore, la plate-forme du fort Saint-Jean s’était couverte de curieux; car c’est toujours une grande affaire à Marseille que l’arrivée d’un bâtiment, surtout quand ce bâtiment, comme le Pharaon, a été construit, gréé, arrimé sur les chantiers de la vieille Phocée, et appartient à un armateur de la ville.
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