Le Sarrasin
Je connais une bande moineaux espiègles et très bavards, toujours babillant, gazouillant, rapportant mille et mille histoires. Voilà ce qu’ils m’ont conté, un jour que je m’étais assise sur un muret de pierre le long d’une petite route de campagne.
Il était une fois un vieux saule à l’écorce craquelée, qui balançait ses longues branches souples et son feuillage délicat en bordure d’un champ de céréales: il poussait là du blé magnifique, de l’orge bien robuste et de l’avoine aux épis si rebondis qu’ils penchaient vers la terre. Juste à côté s’étendait un champ de sarrasin, que l’on appelle aussi du blé noir: il se tenait tout droit, dressant avec arrogance ses hautes tiges raides. ‘Comme je suis beau ! tellement plus beau que le blé !’ Ne cessait-il de répéter, plein d’orgueil. ‘Je suis certain, vieux saule mon voisin, que tu n’as jamais rien contemplé de plus beau qu’un champ de sarrasin !’ Le saule secouait doucement ses branches, comme pour dire: ‘Attention, attention ! ne sois pas trop vaniteux, tu risquerais bien d’être puni…’ mais le sarrasin se dressait de plus belle et ne se gênait pas pour affirmer que le saule était un vieux radoteur…