XXX
Ce fut l’an passé, par un soir de l’éternel été qui règne dans ces régions, que deux passagers de la goëlette la Nahandove s’enfoncèrent dans les montagnes de l’île Bourbon, trois jours après le débarquement. Ces deux personnes avaient donné ce temps au repos, précaution en apparence fort étrangère au dessein qui les amenait dans la contrée. Mais elles n’en jugèrent sans doute point ainsi; car, après avoir pris le faham ensemble sous la varangue, elles s’habillèrent avec un soin particulier, comme si elles avaient eu le projet d’aller passer la soirée à la ville, et, prenant le sentier de la montagne, elles arrivèrent après une heure de marche au ravin de Bernica.
Le hasard voulut que ce fût une des plus belles soirées que la lune eût éclairées sous les tropiques. Cet astre, à peine sorti des flots noirâtres, commençait à répandre sur la mer une longue traînée de vif-argent; mais ses lueurs ne pénétraient point dans la gorge, et les marges du lac ne répétaient que le reflet tremblant de quelques étoiles. Les citronniers répandus sur le versant de la montagne supérieure ne se couvraient même pas de ces pâles diamants que la lune sème sur leurs feuilles cassantes et polies. Les ébéniers et les tamarins murmuraient dans l’ombre; seulement, quelques gigantesques palmiers élevaient à cent pieds du sol leurs tiges menues, et les bouquets de palmes placés à leur cime s’argentaient seuls d’un éclat verdâtre.
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