Cet effroi que le redoutable et douteux avenir de la guerre
Vingt mille lieues sous les mers partie 1 Chapitre IV
Le commandant Farragut était un bon marin, digne de la frégate qu’il commandait. Son navire et lui ne faisaient qu’un. Il en était l’âme. Sur la question du cétacé, aucun doute ne s’élevait dans son esprit, et il ne permettait pas que l’existence de l’animal fût discutée à son bord. Il y croyait comme certaines bonnes femmes croient au Léviathan, — par foi, non par raison. Le monstre existait, il en délivrerait les mers, il l’avait juré. C’était une sorte de chevalier de Rhodes, un Dieudonné de Gozon, marchant à la rencontre du serpent qui désolait son île. Ou le commandant Farragut tuerait le narwal, ou le narwal tuerait le commandant Farragut. Pas de milieu.
Les officiers du bord partageaient l’opinion de leur chef. Il fallait les entendre causer, discuter, disputer, calculer les diverses chances d’une rencontre, et observer la vaste étendue de l’Océan. Plus d’un s’imposait un quart volontaire dans les barres de perroquet, qui eût maudit une telle corvée en toute autre circonstance. Tant que le soleil décrivait son arc diurne, la mâture était peuplée de matelots auxquels les planches du pont brûlaient les pieds, et qui n’y pouvaient tenir en place ! Et cependant. L’Abraham-Lincoln ne tranchait pas encore de son étrave les eaux suspectes du Pacifique.
Le but peut-être ne justifie rien, mais l’action délivre de la mort. Vol de nuit 1931
Chapitre XXIX
Depuis le moment de leur départ, les voyageurs marchèrent avec une grande rapidité; il leur tardait de quitter ce désert, qui avait failli leur être si funeste.
Vers neuf heures un quart du matin, quelques symptômes de végétation furent entrevus, herbes flottant sur cette mer de sable et leur annonçant, comme à Christophe Colomb, la proximité de la terre; des pousses vertes pointaient timidement entre des cailloux qui allaient eux-mêmes redevenir les rochers de cet océan.
Des collines encore peu élevées ondulaient à l’horizon; leur profil, estompé par la brume, se dessinait vaguement; la monotonie disparaissait. Lire la suite...
Le mal recueille le mal; et l’infamie, la rétribution de l’infamie.