De la part du curé de Saint-Nizier
Dieu ! qu’on était bien cette nuit-là dans la chambre de Jacques ! Quels joyeux reflets clairs la cheminée envoyait sur notre nappe ! Et ce vieux vin cacheté, comme il sentait les violettes ! Et ce pâté, quelle belle croûte en or bruni il vous avait ! Ah ! de ces pâtés-là, on n’en fait plus maintenant; tu n’en boiras plus jamais de ces vins-là, mon pauvre Eyssette !
De l’autre côté de la table, en face, tout en face de moi, Jacques me versait à boire et, chaque fois que je levais les yeux, je voyais son regard tendre comme celui d’une mère, qui me riait doucement. Moi, j’étais si heureux d’être là que j’en avais positivement la fièvre. Je parlais, je parlais !
— Mange donc, me disait Jacques en me remplissant mon assiette; mais je parlais toujours et je ne mangeais pas. Alors, pour me faire taire, il se mit à bavarder, lui aussi, et me narra longuement, sans prendre haleine, tout ce qu’il avait fait depuis plus d’un an que nous ne nous étions pas vus.
— Quand tu fus parti, me disait-il, — et les choses les plus tristes, il les contait toujours avec son divin sourire résigné, – quand tu fus parti, la maison devint tout à fait lugubre. Le père ne travaillait plus; il passait tout son temps dans le magasin à jurer contre les révolutionnaires et à me crier que j’étais un âne, ce qui n’avançait pas les affaires. Des billets protestés tous les matins, des descentes d’huissiers tous les deux jours ! chaque coup de sonnette nous faisait sauter le cœur. Ah ! tu t’en es allé au bon moment.
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Ce qui dormait sous les eaux endormies, ce principe de corruption, ce secret putride,
J’appelle journalisme tout ce qui aura moins de valeur demain qu’aujourd’hui. Une citation d'André Gide