Andromaque ACTE troisième Scène III
Andromaque par Jean Racine
Hermione, Cléone.
Hermione
Attendais-tu, Cléone, un courroux si modeste ?
Cléone
La douleur qui se tait n’en est que plus funeste.
Je le plains d’autant plus qu’auteur de son ennui,
Le coup qui l’a perdu n’est parti que de lui.
Comptez depuis quel temps votre hymen se prépare;
Il a parlé, Madame, et Pyrrhus se déclare.
Hermione
Tu crois que Pyrrhus craint ? Et que craint-il encor ?
Des peuples qui dix ans ont fui devant Hector,
Qui cent fois, effrayés de l’absence d’Achille,
Dans leurs vaisseaux brûlants ont cherché leur asile,
Et qu’on verrait encor, sans l’appui de son fils,
Redemander Hélène aux Troyens impunis ?
Non, Cléone, il n’est point ennemi de lui-même;
Il veut tout ce qu’il fait, et s’il m’épouse, il m’aime.
Mais qu’Oreste à son gré m’impute ses douleurs:
N’avons-nous d’entretien que celui de ses pleurs ?
Pyrrhus revient à nous ! Eh bien ! chère Cléone,
Conçois-tu les transports de l’heureuse Hermione ?
Sais-tu quel est Pyrrhus ? T’es-tu fait raconter
Le nombre des exploits… mais qui les peut compter ?
Intrépide, et partout suivi de la victoire,
Charmant, fidèle enfin: rien ne manque à sa gloire.
Songe…
Cléone
Dissimulez. Votre rivale en pleurs
Vient à vos pieds, sans doute, apporter ses douleurs.
Hermione
Dieux ! ne puis-je à ma joie abandonner mon âme ?
Sortons: que lui dirais-je ?
La pièce de Théâtre Andromaque par Jean Racine.