Andromaque ACTE quatrième Scène IV
Andromaque par Jean Racine
Hermione, Cléone.
Cléone
Vous vous perdez, Madame, et vous devez songer…
Hermione
Que je me perde ou non, je songe à me venger.
Je ne sais même encor, quoi qu’il m’ait pu promettre,
Sur d’autres que sur moi si je dois m’en remettre:
Pyrrhus n’est pas coupable à ses yeux comme aux miens,
Et je tiendrais mes coups bien plus sûrs que les siens.
Quel plaisir de venger moi-même mon injure,
De retirer mon bras teint du sang du parjure,
Et pour rendre sa peine et mes plaisirs plus grands,
De cacher ma rivale à ses regards mourants !
Ah ! si du moins Oreste, en punissant son crime,
Lui laissait le regret de mourir ma victime !
Va le trouver: dis-lui qu’il apprenne à l’ingrat
Qu’on l’immole à ma haine, et non pas à l’État.
Chère Cléone, cours: ma vengeance est perdue
S’il ignore en mourant que c’est moi qui le tue.
Cléone
Je vous obéirai ! Mais qu’est-ce que je voi ?
Ô dieux ! qui l’aurait cru, Madame ? C’est le roi !
Hermione
Ah ! cours après Oreste; et dis-lui, ma Cléone,
Qu’il n’entreprenne rien sans revoir Hermione !
La pièce de Théâtre Andromaque par Jean Racine.