I
Le soleil va chasser la nuit ;
Pâle Phoebé, reine aux longs voiles,
Il est temps de rentrer, sans bruit,
Ton troupeau de blanches étoiles !
Déjà des bois silencieux
L’aube pénètre le mystère…
Que fais-tu si tard dans les cieux,
Quand nous t’attendons sur la terre ?
II
Elle vient ! Elle vient !… de son pied diligent
Entendez-vous, là-bas, le bruit léger dans l’herbe ?
Mais ce n’est plus Phoebé par les cieux voyageant…
C’est Diane au cœur dur, Diane au front superbe !
Elle a ses blonds cheveux liés comme une gerbe,
Et sur son dos bruni sonne un carquois d’argent.
III
À nous, déesse !… en chasse ! en chasse !
Le bois s’emplit de cris ardents.
Les chiens sont fous. Voici la trace
Des sangliers aux longues dents !…
Au galop, courbés sous les branches,
Plus vite, allons ! Plus vite encore !
La mince flèche aux ailes blanches
Siffle, comme le vent du nord.
Nous courons, nous volons ; ― victoire !
Les épieux et les javelots !…
La bête en tient ; ― la mousse noire
Boit, par les monts, son sang à flots.
Elle tombe, à bout de colères ;
Et sa blessure, en s’épanchant,
Rougit le lac aux ondes claires,
Comme fait un soleil couchant.
IV
Les cornets ont sonné, ― la nuit vient, ― qu’on se presse !
Amis, la route est longue après les durs combats.
Six chevaux traîneront, fiers et pleins d’allégresse,
Le monstre hérissé, trop pesant pour nos bras.
Diane ! En ton honneur nous brûlerons sa graisse !
Phoebé, remonte aux cieux pour éclairer nos pas !…
Poète Louis Bouilhet