Mon livre (et je ne suis sur ton aise envieux),
Tu t’en iras sans moi voir la Cour de mon Prince.
Hé, chétif que je suis, combien en gré je prinsse
Qu’un heur pareil au tien fût permis à mes yeux ?
Tu t’en iras sans moi voir la Cour de mon Prince.
Hé, chétif que je suis, combien en gré je prinsse
Qu’un heur pareil au tien fût permis à mes yeux ?
Là si quelqu’un vers toi se montre gracieux,
Souhaite-lui qu’il vive heureux en sa province :
Mais si quelque malin obliquement te pince,
Souhaite-lui tes pleurs et mon mal ennuyeux.
Souhaite-lui encor qu’il fasse un long voyage,
Et bien qu’il ait de vue éloigné son ménage,
Que son coeur, où qu’il voise, y soit toujours présent :
Souhaite qu’il vieillisse en longue servitude,
Qu’il n’éprouve à la fin que toute ingratitude,
Et qu’on mange son bien pendant qu’il est absent.
Joachim Du Bellay