Qui d’Airolo conduit à la verte hauteur,
On voit sur un vieux roc qui date d’un autre âge
Quelques mots de latin dont nul ne sait l’auteur.
Les jours accumulés ont dégradé la pierre ;
Depuis longtemps déjà tout est presque effacé,
Et nul ne peut jeter un rayon de lumière
Sur ce témoin étrange et triste du passé.
Ce vieux bloc entaillé parait être une tombe :
Quelqu’un repose là du sommeil éternel,
Bercé par le torrent qui s’écoule et qui tombe
Avec un chant plaintif qui monte vers le ciel.
Et ce tombeau, dont nul ne connaît l’origine,
Mais qui doit bien avoir mille et quatre cents ans,
Est un tombeau chrétien, car la marque divine,
La croix, étend sur lui ses deux bras tout-puissants.
Elle est sculptée en grand dans la roche durcie,
Et les siècles nombreux n’ont pu l’anéantir ;
Elle veille toujours, bien que vieille et noircie,
Sur la tombe d’un mort, peut-être d’un martyr.
Son nom est effacé, sa mémoire est éteinte ;
Quelques lettres pourtant conservent leur dessin,
Et l’on peut déchiffrer cette parole sainte :
« Il est mort en Jésus-Christ, le Nazaréen. »
Le voyageur qui passe en ce lieu solitaire
Y demeure pensif et triste un long moment,
Cherchant à pénétrer le secret que la terre
Ne livrera qu’au jour du dernier jugement.
Et quelquefois, devant cette tombe isolée
Où l’oiseau vient chanter, où la mousse fleurit,
Où la neige, l’hiver, met un blanc mausolée,
Où la brise du soir glisse comme un esprit,
Il se dit qu’il voudrait, loin du bruit et du monde,
Ainsi que l’inconnu fermer un jour les yeux
Et dormir comme lui dans cette paix profonde,
A l’ombre de la croix, sous l’espace des cieux.
Au-delà
Alice de Chambrier