De ruisseaux cascadants cachés dans les vallons,
De pourpres archipels et de grèves sonores
Que visitent les flots crêtés et les hérons.
Je gardais le sourire accueillant des pinières
Qui filtrent le soleil dans leur dôme verni.
J’avais en moi des horizons où les rivières,
Dévalant des hauteurs, coulent vers l’infini.
Et lorsque je voulus m’exprimer, ô Nature,
Je trouvai ma pensée unie à ton décor,
Fondue en toi, plus souple, harmonieuse et pure
Et sachant se parer de symboles et d’or.
Ce n’étaient, cependant, que des baisers rapides
Ces révélations de formes, de couleurs;
Je passais, tu venais me ravir, mais stupide
J’allais chercher au loin des plaisirs tapageurs.
Aujourd’hui l’art m’a fait abandonner la hâte
De voir ce qui m’attend au terme du chemin,
Et chasse de mon coeur l’accoutumance ingrate
D’assujettir le jour présent au lendemain.
Libre, je viens à toi, Nature qui m’appelles.
Déjà mes pas, froissant le trèfle, ont dégagé
L’odeur d’après-midi vaguement sensuelles.
Je m’enivre de paix riante et d’air léger.
La lumière éblouit l’esprit et l’étendue.
Les montagnes, là-bas, où finit le lac bleu.
Avec les bois distants en chaîne continue,
Font un cirque parfait, d’un dessin fabuleux.
Des arbres espacés monte le chant des grives.
La beauté de ce jour en moi trouve son nid,
Et semble une caresse ancienne que ravive
Un coeur infiniment lucide et rajeuni.
Un poème d’Alphonse Beauregard