Éparses sur mon col roulaient mes boucles brunes.
J’avais de grands yeux purs comme le clair des lunes ;
Dès l’aube je partais, sac au dos, les pas lourds.
Mais en route aussitôt je tramais des détours,
Et, narguant les pions de mes jeunes rancunes,
Je montais à l’assaut des pommes et des prunes
Dans les vergers bordants les murailles des cours.
Étant ainsi resté loin des autres élèves,
Loin des bancs, tout un mois, à vivre au gré des rêves,
Un soir, à la maison, craintif, comme j’entrais,
Devant le crucifix où sa lèvre se colle
Ma mère était en pleurs ! … Ô mes ardents regrets !
Depuis, je fus toujours le premier à l’école.
MA MÈRE
Quelquefois sur ma tête elle met ses mains pures,
Blanches, ainsi que des frissons blancs de guipures.
Elle me baise le front, me parle tendrement,
D’une voix au son d’or mélancoliquement.
Elle a les yeux couleur de ma vague chimère,
Ô toute poésie, ô toute extase,
ô Mère ! À l’autel des ses pieds je l’honore en pleurant,
Je suis toujours petit pour elle, quoique grand.
Le jardin de l’enfance
Emile Nelligan