Britannicus ACTE V Scène VII
Agrippine, Burrhus
Agrippine
Ah ciel ! de mes soupçons quelle était l’injustice !
Je condamnais Burrhus pour écouter Narcisse.
Burrhus, avez-vous vu quels regards furieux
Néron en me quittant m’a laissés pour adieux ?
C’en est fait, le cruel n’a plus rien qui l’arrête:
Le coup qu’on m’a prédit va tomber sur ma tête.
Il vous accablera vous-même à votre tour.
Burrhus
Ah ! Madame, pour moi j’ai vécu trop d’un jour.
Plût au ciel que sa main, heureusement cruelle,
Eût fait sur moi l’essai de sa fureur nouvelle !
Qu’il ne m’eût pas donné, par ce triste attentat,
Un gage trop certain des malheurs de l’Etat !
Son crime seul n’est pas ce qui me désespère;
Sa jalousie a pu l’armer contre son frère;
Mais s’il vous faut, Madame, expliquer ma douleur:
Néron l’a vu mourir sans changer de couleur.
Ses yeux indifférents ont déjà la constance
D’un tyran dans le crime endurci dès l’enfance.
Qu’il achève, Madame, et qu’il fasse périr
Un ministre importun qui ne le peut souffrir.
Hélas ! loin de vouloir éviter sa colère,
La plus soudaine mort me sera la plus chère.
La pièce de Théâtre Britannicus par Jean Racine.