Lorsque la vie est belle ainsi qu’une conquête,
Le bon travail prend place à mes côtés,
Comme un ami qu’on fête.
Il vient des pays doux et rayonnants,
Avec des mots plus clairs que les rosées,
Pour y sentir, en les illuminant,
Nos sentiments et nos pensées.
Il saisit l’être en un tourbillon fou ;
Il érige l’esprit, sur de géants pilastres ;
Il lui verse le feu qui fait vivre les astres ;
Il apporte le don d’être Dieu tout à coup.
Et les transports fiévreux et les affres profondes,
Tout sert à sa tragique volonté
De rajeunir le sang de la beauté,
Dans les veines du monde.
Je suis à sa merci, comme une ardente proie.
Aussi, quand je reviens, bien que lassé et lourd,
Vers le repos de ton amour,
Avec les feux de mon idée ample et suprême,
Me semble-t-il – oh ! qu’un instant –
Que je t’apporte, en mon coeur haletant,
Le battement de coeur de l’univers lui-même.
Les heures d’après-midi
Emile Verhaeren