Que l’Orient révère,
Aurore, fille du Soleil,
Qui nais devant ton père,
Viens soudain me rendre le jour,
Pour voir l’objet de mon amour.
Certes, la nuit a trop duré ;
Déjà les coqs t’appellent :
Remonte sur ton char doré,
Que les Heures attellent,
Et viens montrer à tous les yeux
De quel émail tu peins les cieux.
Mouille promptement les guérets
D’une fraîche rosée,
Afin que la soif de Cérès
En puisse être apaisée,
Et fais qu’on voie en cent façons
Pendre tes perles aux buissons.
Ha ! je te vois, douce clarté,
Tu sois la bien venue :
Je te vois, céleste beauté,
Paraître sur la nue,
Et ton étoile en arrivant
Blanchit les coteaux du levant.
Le silence et le morne roi
Des visions funèbres
Prennent la fuite devant toi
Avecque les ténèbres,
Et les hiboux qu’on oit gémir
S’en vont chercher place à dormir.
Mais, au contraire, les oiseaux
Qui charment les oreilles
Accordent au doux bruit des eaux
Leurs gorges non pareilles
Célébrant les divins appas
Du grand astre qui suit tes pas.
La Lune, qui le voit venir,
En est toute confuse ;
Sa lueur, prête à se ternir,
A nos yeux se refuse,
Et son visage, à cet abord,
Sent comme une espèce de mort.
Le chevreuil solitaire et doux,
Voyant sa clarté pure
Briller sur les feuilles des houx
Et dorer leur verdure,
Sans nulle crainte de veneur,
Tâche à lui faire quelque honneur
Le cygne, joyeux de revoir
Sa renaissante flamme,
De qui tout semble recevoir
Chaque jour nouvelle âme,
Voudrait, pour chanter ce plaisir,
Que la Parque le vînt saisir….
L’abeille, pour boire des pleurs,
Sort de sa ruche aimée,
Et va sucer l’âme des fleurs
Dont la plaine est semée ;
Puis de cet aliment du ciel
Elle fait la cire et le miel.
Le gentil papillon la suit
D’une aile trémoussante,
Et, voyant le soleil qui luit,
Vole de plante en plante,
Pour les avertir que le jour
En ce climat est de retour.
Là, dans nos jardins embellis
De mainte rare chose,
Il porte de la part du lys
Un baiser à la rose,
Et semble, en messager discret,
Lui dire un amoureux secret.
Au même temps, il semble à voir
Qu’en éveillant ses charmes,
Cette belle lui fait savoir,
Le teint baigné de larmes,
Quel ennui la va consumant
D’être si loin de son amant.
Textes poétiques
M-A Girard de Saint-Amant