Le monde de la bande dessinée est en deuil avec la mort brutale de Marcel Gotlib. Le drame est survenu le 4 décembre dernier à son domicile dans les Yvelines. Le dessinateur, âgé de 82 ans, a laissé de nombreux personnages mythiques orphelins …
Marcel Gotlib est né le 14 juillet 1934 à Paris. C’est un auteur de bande dessinée français réputé pour être un vrai génie du rire pour ses millions de lecteurs. Il s’est fait connaître pour ses histoires humoristiques dans lesquelles il a mis en scène des personnages phares comme le Gai-Luron, les Superdupont, le Pervers pépère, … Il est aussi l’auteur de Les Dingodossiers et de la Rubrique-à-bras.
Biographie
Marcel Mordekhai Gottlieb est né dans le 18e arrondissement de Paris. Ses parents étaient des émigrés juifs hongrois qui connurent un triste sort. Son père, Ervin Gottlieb, a été arrêté en septembre 1942 par la police française. Il a été transféré à Drancy avant d’être déporté au camp de travail et de concentration de Blechhammer. Il réussit à s’en échapper durant la marche de la mort, mais fut tué, le 10 février 1945 au camp de concentration de Buchenwald.
Après la mort de son époux, un gendarme mit leur mère au courant d’une rafle qui se préparait. La veuve eut le temps de cacher Marcel et sa sœur chez des agriculteurs.
Le jeune garçon fut placé au château des Groux à Verneuil-sur-Seine à partir de 1947. Il s’agissait d’une forme d’orphelinat où il resta pendant trois ans. Il y découvrit ce qu’il appellera plus tard « filles du sexe opposé ». Une parmi elles attira particulièrement son attention, une jeune hongroise nommée Klara.
Il a écrit une sorte d’autobiographie de jeunesse intitulée J’existe, je me suis rencontré pour raconter cette partie de sa vie.
Ses premiers pas
À partir de 1951, en parallèle avec des cours du soir à l’école supérieure des arts appliqués Duperré, il travaillait à l’OCP (Office Commercial Pharmaceutique). Il a ensuite intégré l’Opera Mundi-Edi Monde en tant que lettreur, un poste qu’il a abandonné après son service militaire qui a duré 28 mois. Il décida effectivement de travailler à son compte et commença à écrire des livres pour enfants, des contes et réalisa même des albums à colorier.
En 1962, il se lança dans l’univers de la bande dessinée en dessinant quelques pages dans le journal Vaillant. De nombreux personnages sont nés à cette époque tels que Klop, Gilou, Puck et Poil, Nanar ou encore la série Jujube et Piette. C’est dans cette dernière qu’apparaît pour la première fois le personnage Gai-Luron qui réapparaîtra à maintes reprises dans Pif Gadget jusqu’en 1971.
Sa carrière professionnelle
En 1965, il entre au journal Pilote et y crée la série les Dingodossiers en collaboration avec René Goscinny. Ce dernier, alors rédacteur en chef de la revue, prit d’emblée le jeune dessinateur sous son aile. Il appréciait son humour et au bout de quelques albums créés ensemble, il lui confia une série en solo baptisée la Rubrique-à-brac. Cette dernière fut l’effet d’une petite révolution dans l’univers de la BD comique.
En 1972, il fonde, en partenariat avec Nikita Mandryka et Claire Bretécher L’Écho des savanes. Son style s’y fit encore plus clair puisqu’à ses dessins, il apporta plus de détails. Il y commença également une nouvelle expérience humoristique qu’il maintiendra toute sa vie. Il s’agit d’un mélange d’absurde, de sexe, de scatologie et de gags crescendo ou récurrents.
Trois ans plus tard, le 1er avril 1975, il ouvre avec son ami d’enfance Jacques Diament, son propre journal baptisé Fluide glacial. Il le définissait comme un « magazine d’Umour et Bandessinées ». Il y publia ses plus célèbres BD tels que :
- Gai-Luron
- Superdupont
- Pervers Pépère
- Rhââ Lovely
- Dans la joie jusqu’au cou
À compter des années 80, il se consacra entièrement à la rédaction de l’éditorial de son nouveau magazine et laissa de côté le dessin. Son dernier album de bande dessinée fut publié en 1986 sous le titre La bataille navale ou Gai-Luron en slip.
Pour la suite, il continua de réaliser quelques illustrations pour des publicités ou pour ses albums précédents. Il se vit récompenser par le Grand Prix du festival d’Angoulême en 1991.
En 1995, suite au départ en retraite de Jacques Diament, il cède sa maison d’édition, la société Audie qui exploite Fluide glacial, à la maison Flammarion. Il a toutefois exigé la possibilité d’y rédiger les éditoriaux. Ces derniers ont été édités en 1990 dans l’ouvrage intitulé Jactances qui fut publié en parallèle avec son autobiographie de jeunesse.
Ces ouvrages ont dévoilé une autre facette de ce dessinateur de talent : celui d’un écrivain ayant un style littéraire remarquable.
Le cinéma
À partir de 1975, il expérimente le cinéma et co-signe le scénario du film Les vécés étaient fermés de l’intérieur qui mettait à l’affiche Jean Rochefort et Coluche. Il joua également quelques rôles d’acteurs dans divers films tels que :
- L’An 01 en 1973
- Les doigts dans la tête en 1974
- Je hais les acteurs en 1986
- Le Nouveau Jean-Claude en 2002
- Les clefs de bagnole en 2003
Une immense perte pour le neuvième art
Outre le dessin, l’écriture et le cinéma, Gotlib était aussi un grand caricaturiste et un amateur de musique. Son style reposait surtout sur l’humour, mais il était aussi un maître de l’humour noir, car s’il faisait mourir de rire ses lecteurs, il pouvait aussi créer de manière satirique.
Quoi qu’il en soit, ce génie comme l’appelle la ministre de la Culture et de la Communication qui lui a rendu hommage, était un homme généreux qui a appris à bon nombre de personnes le sens du rire sans penser à autre chose. Malgré son enfance tourmentée, il est resté un homme gentil, humain et qui avait le don de transmettre le sourire à ses contemporains.
Avec sa disparition, l’univers du neuvième art est en deuil, mais il restera à jamais présent dans les cœurs de ceux qui ont un jour eu la chance de le lire.
Nos sincères condoléances à ses proches.
Découvrez les citations de Marcel Gotlib.