France

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À M. A. Kleczkowski
consul général de France au Canada
pour la fête nationale des Français

 
Sonnez, clairons d’airain ! sonnez, cloches d’église !
Drapeaux, gonflez vos plis au souffle de la brise !
Que partout sous nos cieux éclate la gaîté,
Que la Marseillaise ouvre à tous les vents son aile,
Pour chômer aujourd’hui la fête universelle,
La fête de la France et de l’humanité !

 

Oui, que chacun exalte en ce moment la France !…
La France, voyez-vous, jette au vent la semence
D’où naissent tout progrès et tout effort vainqueur.
Elle incarne l’honneur, la raison, la justice ;
Elle est pour ses enfants la sublime nourrice
Qui s’ouvre un jour le flanc pour partager son cœur.

Puissante par l’épée et riche par la gerbe,
Aux limites du monde elle porte le Verbe,
Et veut tout éclairer, féconder, rajeunir.
Elle est lumière et vie, et ses missionnaires,
En versant ses rayons aux tribus sanguinaires,
Allument aux déserts l’astre de l’avenir.
 
Que son drapeau soit blanc ou qu’il soit tricolore,
Elle vole au secours du faible qui l’implore,
A tout progrès du siècle elle fraye un chemin
Avec le livre, avec le sabre ou la cognée.
Elle tient sur Paris une énorme poignée
De rayons éclairant toujours l’esprit humain.

Elle a pour champ la terre et les cœurs pour domaine.
Sous tous les cieux connus sans cesse elle promène
Son drapeau rayonnant de gloire et de fierté.
Comme l’aube, elle chasse au loin la nuit rebelle,
Et fait sur l’univers couler de sa mamelle
L’amour de la justice et de la liberté.

Et lorsque ses rivaux, que le progrès enivre,
Veulent faire tomber tout ce qui peut survivre
Des obstacles nuisant à leur fraternité,
Elle prend son compas, son pic et sa truelle…
Et les grands monts tremblants s’entr’ouvrent devant elle,
Et l’Océan la suit comme un lion dompté.

Brillante comme Athènes, altière comme Rome,
Elle a fait prosterner la terre aux pieds d’un homme,
Elle a sonné partout son bronze triomphal,
Fait jaillir sous son doigt mille sources fécondes,
Où poètes, penseurs et savants des deux mondes
S’en viennent étancher leur soif de l’idéal.
 
La France ! elle défend toutes les causes justes,
Elle fait respecter partout ses droits augustes,
Elle montre la rive aux jeunes nations
Si souvent le jouet de vagues débordées,
Et, superbement folle, elle fond les idées
Au creuset tournoyant des révolutions.

La France ! c’est le cœur qui fait vivre l’Europe,
La tête où tout projet vaste se développe,
Le bras où l’opprimé cherche à se cramponner,
Le torse qui résiste au choc des avalanches…
C’est un chêne géant dont on coupe les branches,
Mais que l’on ne pourra jamais déraciner.

La France ne meurt pas ; et quand elle se couche,
Son front garde toujours sa majesté farouche,
Et son vainqueur épie en tremblant son sommeil.
Elle demeura grande après le grand désastre,
Et Sedan ne fait pas plus d’ombre sur son astre
Que l’aile du vautour sur l’orbe du soleil.

Mais si des Attilas, assoiffés de vengeance,
Allaient éteindre un jour le flambeau de la France,
L’humanité soudain marcherait à tâtons.
Que dis-je ? si jamais son soleil se dérobe,
Les feux qu’il a versés à tous les coins du globe
Éblouiront sans fin les générations.
 
Que dis-je encor ? si Dieu voulait que cette Gaule,
Dont nul fardeau n’a su courber la large épaule,
Expirât sous les coups d’un brutal conquérant,
On la verrait, après trois jours, briser sa tombe,
Et venir, en planant comme aiglon ou colombe,
Reprendre sa carrière aux bords du Saint-Laurent.

Envoi

Sur le rivage altier de notre fleuve immense
Nous vénérons toujours la vieille et noble France.
Heureux de ses succès, attristés de son deuil,
Malgré l’éloignement, nous l’adorons encore,
El dès que nous voyons flotter le tricolore,
Nous nous sentons frémir d’un indicible orgueil.
Non, nous ne pouvons pas oublier que nos pères
Sentaient son sang fécond battre dans leurs artères,
Et que de ce sang pur nous avons hérité.
Nous nous rappelons tous qu’elle est bien notre mère,
Et que sous notre ciel elle fut la première
Qui lutta pour le Christ et pour la liberté.
Nous la chérissons tous d’un cœur opiniâtre,
Ainsi que l’orphelin à jamais idolâtre
Celle qui dans ses flancs généreux l’a porté ;
Et nous l’aimons surtout, cette France admirable,
Quand elle nous envoie, au pays de l’érable,
La fleur de ceux qui font sa force et sa fierté.

 



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