Les lacs, dans leurs paumes rondes noient le visage du Ciel :
J’ai tourné la sphère pour observer le Ciel.
Les lacs, frappés d’échos fraternels en nombre douze :
J’ai fondu les douze cloches qui fixent les tons musicaux.
*
Lac mouvant, firmament liquide à l’envers, cloche musicale,
Que l’homme recevant mes mesures retentisse à son tour sous
le puissant Souverain-Ciel.
Pour cela j’ai nommé l’hymne de mon règne : Les Lacs.
L’ABIME
Face à face avec la profondeur, l’homme, front penché, se recueille.
Que voit-il au fond du trou caverneux ? La nuit sous la terre,
l’Empire d’ombre.
*
Moi, courbé sur moi-même et dévisageant mon abîme, – ô moi !
– je frissonne,
Je me sens tomber, je m’éveille et ne veux plus voir que la nuit.
NUÉES
Ce sont les pensées visibles du haut et pur Seigneur-Ciel. Les unes
compatissantes, pleines de pluie.
Les autres roulant leurs soucis, leurs justices et leurs courroux sombres.
*
Que l’homme recevant mes largesses ou courbé sous mes coups
connaisse à travers moi le Fils les desseins du Ciel ancestral.
Pour cela j’ai nommé l’hymne de mon règne : Nuées.
Un poème de Victor Segalen